J’avais déjà, avec le long-métrage écrit par Taylor Sheridan et intitulé Comencheria [Pour en savoir +], pris l’angle du titre, du moins de son changement lors de son exploitation dans les salles hexagonales, pour montrer en quoi celui-ci pouvait orienter notre regard de spectateur.
Ou pour le cas présent, nous enfumer.
The Post, pénultième film sorti de Steven Spielberg, a donc été distribué en France sous le titre de Pentagon Papers, des « papiers du Pentagone » qui sont pour le coup 7000 pages classées « secret-défense », lesquelles ont été dérobées, puis publiées dans la presse américaine au début des années 1970. Des documents compromettants au sujet de l'engagement au Vietnam des forces armées américaines.
Alors que The Post est quant à lui, le surnom d’un journal, le Washington Post.
Quiconque a vu le film en question peut, je crois, dire que le titre choisi pour les salles française est mensonger. Victime probablement de l’invasion des fake news et autre « faits alternatifs » sur lequel il voudrait surfer, en faisant du film un brûlot contestataire et anti-Trump. Et une apologie de la presse indépendante. Ce qu’il est loin d’être !
En effet, le film de Spielberg est de bout en bout l’histoire du Washington Post, à un moment donné très précis de son histoire, et ledits « Pentagon Papers », un arrière-plan à peine évoqué. Tout comme le rôle de Daniel Ellsberg, certainement l'un des premiers lanceurs d'alerte connus.
Fer de lance d’un roman national d’appellation américaine contrôlée, « Hollywood » (en tant que label du soft power U.S.) ne manque pas à sa réputation, et réécrit l’Histoire en tentant de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Influencé par le zeitgeist en vigueur, le film met en effet scène Katherine Graham (interprétée par Meryl Streep), la propriétaire du Post, aux premières loges de la tourmente qui bouscule la rédaction du journal. En compétition avec le New York Times, journal de bien plus grande envergure, qui le premier publiera une synthèse des 7000 pages, elle sera tiraillée entre faire ce qu’on attend d’un journal libre & indépendant (pléonasme) et l’interdiction de le faire ; imposée par la justice américaine. Une justice américaine qui a par ailleurs sommé le New York Times de cesser ses articles sur le sujet, laissant à son propre quotidien le champ libre.
On assiste donc au combat de cette femme qui doit aussi s’imposer dans un milieu d’hommes, à la tête d’un journal où elle est arrivée en ayant gagné un concours de circonstances tragiques.
D’une manière assez subtile il faut bien le dire, Spielberg et ses scénaristes, Liz Hannah et Josh Singer, arrivent à nous faire avaler les compromissions avec les différentes administrations qui ont occupées la Maison blanche, auxquelles madame Graham et son rédacteur en chef Benjamin Bradlee (alias Tom Hanks) ont dû s’abaisser (voir à ce propos Le Monde Diplomatique n°768), sans pour autant les taire, mais en jouant sur le charme des acteurs, et une tout aussi habile dialectique, pour qu’on les avale sans sourcilier.
Idem pour l’indépendance du journal dans son rapport au pouvoir, dans un film qui montre tout de même l’entrée en bourse d'un quotidien, soi-disant soucieux d’indépendance. Un comble !
Cerise sur un gâteau qui n’en demandait pas tant, le film se termine sur une séquence très évocatrice que les amateurs d’Histoire et les cinéphiles, ne manqueront pas de relier au film d’Alan J. Pakula ; Les Hommes du président. Une filiation qui ne joue d'ailleurs pas du tout en faveur dudit film de Steven Spielberg, bien peu trépidant.
Et surtout, plombé par ses partis pris bien trop politiquement correct à mon goût. Et d’un opportunisme décourageant.
Cocasse paradoxe, le titre du film de Pakula avait en son temps bénéficié d’une traduction, certes digne de ce nom, mais qui en effaçait la portée symbolique, relevée notamment par Douglas Hofstadter (dans son ouvrage traduit en français : Ma Thémagie). Ainsi, « All the President's Men », le titre original est-il une allusion à une célèbre comptine, celle d’ Humpty Dumpty, personnage que l’on croise dans De l’autre côté du miroir (déjà tout un programme), où il est question de « and all the king's men », et dont la totalité éclaire par avance sur le destin dudit président :
Ce que ne rend pas aussi bien le titre français.
« Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde » a dit un jour Albert Camus.
À vous l'antenne Cognacq-Jay !
Ou pour le cas présent, nous enfumer.
The Post, pénultième film sorti de Steven Spielberg, a donc été distribué en France sous le titre de Pentagon Papers, des « papiers du Pentagone » qui sont pour le coup 7000 pages classées « secret-défense », lesquelles ont été dérobées, puis publiées dans la presse américaine au début des années 1970. Des documents compromettants au sujet de l'engagement au Vietnam des forces armées américaines.
Alors que The Post est quant à lui, le surnom d’un journal, le Washington Post.
Quiconque a vu le film en question peut, je crois, dire que le titre choisi pour les salles française est mensonger. Victime probablement de l’invasion des fake news et autre « faits alternatifs » sur lequel il voudrait surfer, en faisant du film un brûlot contestataire et anti-Trump. Et une apologie de la presse indépendante. Ce qu’il est loin d’être !
En effet, le film de Spielberg est de bout en bout l’histoire du Washington Post, à un moment donné très précis de son histoire, et ledits « Pentagon Papers », un arrière-plan à peine évoqué. Tout comme le rôle de Daniel Ellsberg, certainement l'un des premiers lanceurs d'alerte connus.
Fer de lance d’un roman national d’appellation américaine contrôlée, « Hollywood » (en tant que label du soft power U.S.) ne manque pas à sa réputation, et réécrit l’Histoire en tentant de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Influencé par le zeitgeist en vigueur, le film met en effet scène Katherine Graham (interprétée par Meryl Streep), la propriétaire du Post, aux premières loges de la tourmente qui bouscule la rédaction du journal. En compétition avec le New York Times, journal de bien plus grande envergure, qui le premier publiera une synthèse des 7000 pages, elle sera tiraillée entre faire ce qu’on attend d’un journal libre & indépendant (pléonasme) et l’interdiction de le faire ; imposée par la justice américaine. Une justice américaine qui a par ailleurs sommé le New York Times de cesser ses articles sur le sujet, laissant à son propre quotidien le champ libre.
On assiste donc au combat de cette femme qui doit aussi s’imposer dans un milieu d’hommes, à la tête d’un journal où elle est arrivée en ayant gagné un concours de circonstances tragiques.
D’une manière assez subtile il faut bien le dire, Spielberg et ses scénaristes, Liz Hannah et Josh Singer, arrivent à nous faire avaler les compromissions avec les différentes administrations qui ont occupées la Maison blanche, auxquelles madame Graham et son rédacteur en chef Benjamin Bradlee (alias Tom Hanks) ont dû s’abaisser (voir à ce propos Le Monde Diplomatique n°768), sans pour autant les taire, mais en jouant sur le charme des acteurs, et une tout aussi habile dialectique, pour qu’on les avale sans sourcilier.
Idem pour l’indépendance du journal dans son rapport au pouvoir, dans un film qui montre tout de même l’entrée en bourse d'un quotidien, soi-disant soucieux d’indépendance. Un comble !
Cerise sur un gâteau qui n’en demandait pas tant, le film se termine sur une séquence très évocatrice que les amateurs d’Histoire et les cinéphiles, ne manqueront pas de relier au film d’Alan J. Pakula ; Les Hommes du président. Une filiation qui ne joue d'ailleurs pas du tout en faveur dudit film de Steven Spielberg, bien peu trépidant.
Et surtout, plombé par ses partis pris bien trop politiquement correct à mon goût. Et d’un opportunisme décourageant.
Cocasse paradoxe, le titre du film de Pakula avait en son temps bénéficié d’une traduction, certes digne de ce nom, mais qui en effaçait la portée symbolique, relevée notamment par Douglas Hofstadter (dans son ouvrage traduit en français : Ma Thémagie). Ainsi, « All the President's Men », le titre original est-il une allusion à une célèbre comptine, celle d’ Humpty Dumpty, personnage que l’on croise dans De l’autre côté du miroir (déjà tout un programme), où il est question de « and all the king's men », et dont la totalité éclaire par avance sur le destin dudit président :
Humpty Dumpty était assis sur un mur
Humpty Dumpty est tombé sur le sol dur
Tous les chevaux du Roi, tous les soldats du Roi
Humpty Dumpty est tombé sur le sol dur
Tous les chevaux du Roi, tous les soldats du Roi
N'ont pu relever Humpty Dumpty et le remettre droit.
Ce que ne rend pas aussi bien le titre français.
« Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde » a dit un jour Albert Camus.
À vous l'antenne Cognacq-Jay !
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