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Manhunter [Kate Spencer] #1-#14 DC Comics

Ma curiosité pour le travail de Marc Andreyko commence par un regard rétrospectif et oblique, dans le rétroviseur de mes lectures.

••• C'est en effet la présence de plus en plus massive de Brian M. Bendis (BMB), inversement proportionnelle à l’intérêt que je trouvais à ses scénarios, qui m'a fait me préoccuper de ceux d'Andreyko.

       Entré par la petite porte des éditeurs dits  « indépendants » (Caliber Comics ou Image Comics), comprendre hors de la production massive des  « Big Two » (Marvel & DC Comics), lesquels monopolisaient déjà les dépenses des amateurs de BD outre-Atlantique. Et sur le marché intérieur, peu porteur, du « polar », Bendis s'est, à la force du clavier, imposé chez Marvel.
Seulement, au fur et à mesure qu'il occupait les linéaires des kiosques et des librairies, ses bandes dessinées désertaient mes étagères. J'ai alors voulu comprendre comment j'avais pu, à partir d'un moment donné, assez précis d'ailleurs, manifester du goût pour son travail.  

       La pierre angulaire en avait été, sans aucun doute possible, Torso. Un recueil de 6 bimestriels (d’après la parution américaine), où Bendis occupait les postes de coscénariste, dessinateur, et lettreur (excusez du peu) ; commercialisé dans l'Hexagone par l'éditeur SEMIC. Une histoire dont le scénario reposait sur un fait divers, donc déjà partiellement écrit et scénarisé. Sans compter que ledit fait divers avait été l'objet d'adaptations antérieures (un roman écrit par Max Allan Collins par exemple). Une « facilité » qui n'expliquait pas -entièrement- comment l'excellent Torso avait, à la fois servi d'allumage et de carburant, à plusieurs années de lecture de ce que produirait BMB, à partir de 2002. 

Si d'aventure vous connaissez cette petite réussite en noir & blanc, vous savez que Brian Michael Bendis ne l'a pas écrite seul. Il avait comme complice un certain Marc Andreyko.
À partir de là, d'une manière assez simple, pour ne pas dire simpliste, je me suis mis en tête que ce qui m'avait plu dans ce recueil, venait principalement du travail de ce scénariste, qui lui n'avait pas aussi bien percé que son compère. Et coup de chance, cette prise de conscience (quelques années après avoir lu Torso) a été concomitante avec la sortie de Manhunter (2004-2009). Une série publiée par DC Comics, et justement écrite par Andreyko.  
••• Le marché très concurrentiel des éditeurs-propriétaires américains, impose à ces derniers de veiller jalousement sur leurs marques que sont, les « noms de code » de leurs personnages. Ainsi s'assurent-ils que les patronymes des uns et des autres, surtout les personnages moins commerciaux, ne tombent pas dans le domaine public, en oubliant de les utiliser.
Mésaventure arrivée aux Champions, rebaptisé in extremis « The Order », dont le nom était alors devenu la propriété d'un éditeur de jeux de rôles. 

Pour en revenir à la série de Marc Andreyko, le Manhunter éponyme n'est pas le premier à porter ce nom. Un filiation que le scénariste mettra en scène dans un très bel arc narratif, qu'il aura d'ailleurs pris soins d'amorcer et d'entretenir avec quelques subplots. Et justement, en parlant de récits secondaires ....   
        C'est après avoir -enfin- complété les numéros de la revue Batman : Streets of Gotham, dans laquelle le Manhunter d'Andreyko animait l'histoire de complément (back-up), que je me suis aperçu que je n'avais pas été au bout des 38 numéros de la série qui nous occupe ici. Alors même qu'elle m'avait laissé une très très bonne impression. Du moins pour les numéros que j'en avais lus.  

Plaisir renouvelé à la relecture des deux premiers recueil (tpb) lesquels regroupent les numéros 1 à 5 (Street Justice) et 6 à 14 (Trial by Fire). Mais surtout, je me suis aperçu que le personnage imaginé par Marc Andreyko, n'aurait pas jurer le moins du monde au milieu de ceux que co-inventa Stan Lee au début des années 1960. 

En effet Kate Spencer pour l'état civil est une jeune femme faillible, malmenée par des aléas familiaux, ayant la mauvaise habitude de fumer, dans une Los Angeles qui ne semblait déjà plus tolérer les amateurs de tabac, et super-héroïne maladroite. Hasard du calendrier, puisque c'est le jour où j'apprenais la mort de Stan Lee que je recommençais de lire Manhunter.

Un personnage donc, et surtout une manière de l'écrire ; la vie privée et professionnelle de Kate Spencer occupe une très grande place dans la série, un traitement dont ont attribue généralement à Lee de l'avoir introduit dans la bande dessinée américaine de super-héros. Quand bien même aura-t-il généralisé ce qui était, au départ, surtout une manière de passer sous le radar de DC Comics [Pour en savoir +].
Bref, je ne crois pas que Marc Andreyko m'en voudra de rendre hommage à Stan Lee au travers de sa série, et surtout de son irascible procureur fédéral. 

••• Légataire d'une manière de concevoir les super-héros révolutionnaire (pour l'époque) Manhunter l'est aussi d'une certaine conception de la justice née sur le Frontière (celle avec un « F » majuscule).  Un procès perdu plus tard, la colère et la fuite sanglante d'un détenu méta-humain pour qui elle avait demandé la peine de mort, lui donneront l'occasion d'enfiler un costume de vigilante.    
La maestria du scénariste apparaît d'autant plus grande sur cette série, qu'il doit faire face à deux events ( Infinite Crisis & OMAC Project) concoctés par DC Comics en l'espace de 14 numéros seulement. Il n'en perd pas pour autant la direction de ses intrigues, tout en intercalant des références auxdits événements. Chapeau l'artiste !

       Sur le plan artistique, la série est placée entre les mains expertes de Jesus Saiz, Jimmy Palmiotti et du coloriste Steve Buccelato (dont les couleurs chaude évoque joliment la côte Ouest). Et si Saiz cédera sa place à Javier Pina, qui sera remplacé par Brad Walker sur un épisode, il y a une homogénéité grâce au reste de l'équipe, qui elle ne bouge pas.
••• Si à la fin de Trial by Fire, notre héroïne semble avoir recouvré un peu de bonheur, tout en ayant mis fin aux divers menaces qui la poursuivaient depuis le premier numéro, le lecteur attentif sait qu'il n'en est rien.
À moins que Marc Andreyko oublie les sous-intrigues qu'il a laissées entrevoir se dessiner dans le dos de Kate Spencer. Une issue bien peu probable vu le soin qu'il apporte à son écriture.

(À suivre ...)   


 

Commentaires

  1. Toujours un plaisir de te lire.
    Oui, Bendis est capable de bonnes choses mais, quelque part, il reste en dessous
    d'un Geoff Johns, à mon avis. Si Torso est très bon, meilleur que Jinx, à mon avis, j'opine qu'il a été
    porté trop tôt au pinacle. Il est surtout capable d'adapter son style à la demande et reste un auteur commercial, moins intéressant sur la durée qu'un Johns ou un Waid.

    Merci pour l'éclairage sur le travail D'Andreyko, c'est toujours intéressant d'aller hors de sentiers battus.

    Quand à Stan Lee, c'est un choc, la fin définitive d'une ère pour ce si beau bon dialoguiste qui savait magnifier les pages déjà superbes des meilleurs artistes avec lesquels il travaillait, après les avoir laissé avec un synopsis parfois succinct.
    Je reste étonné de la qualité de sa version des héros de DC comics version 2001.
    Quelqu'un avait dit que Lee s'était approprié une méthode narrative pour la perfectionner et la décliner (caractérisation de l'héros, circonstances de la manifestation des pouvoirs, découverte des dits pouvoirs, interrogation sur leur utilisation, interaction avec son entourage puis prise de décision finale...) qui reste au point mais tellement bien ciselée .

    Amicalement

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    1. Merci de ton commentaire.

      Cœurs avec les doigts [-_ô].

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  2. Quel plaisir de retrouver Kate Spencer au détour d'un de tes articles. Comme toi, j'avais beaucoup apprécié cette série, et décidé de suivre la carrière ultérieure d'Andreyko, pas toujours régulier. Dernier titre en date que j'ai lu de lui : sa collaboration avec le producteur de série télé Eddie Gorodetsky : The further adventures of Nick Wilson.

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    Réponses
    1. Tu as raison, Andreyko n'est pas très régulier, toutefois j'entends dire du bien de sa reprise de Supergirl.

      Fingers crossed!

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