Le Principe de continuité™, rendu possible dans la bande dessinée américaine car les éditeurs sont (encore majoritairement) propriétaires des personnages et des histoires qu'ils publient, est un artifice qui oblige chaque fascicule de BD d'un éditeur à être l'un des (plus ou moins) nombreux chapitres de la grande histoire de l'univers qui y est raconté.
À condition que ledit éditeur souscrive au principe en question.
Ainsi le DCU, ou Univers de l'éditeur DC Comics, est-il gouverné par ce Principe de continuité™.
Ce qui veut dire que si la famille Wayne sort d'avoir vu le Zorro de Douglas Fairbanks avant de rencontrer Joe Chill dans le « Batman » n°1, dix ans plus tard dans le numéro 120 du comic book en question, ce sera encore le cas. Sauf si une « Crise » a remis les compteurs à zéro.
Mais cela veut aussi dire que si Gotham est victime d'une quelconque épidémie dans le dix-septième numéro de ladite revue, et que dans le comic book « Superman » du même mois, Clark Kent écrit un article sur Gotham, cette épidémie devra y être mentionnée.
Autrement dit, si le Principe de continuité™ permet aux personnages des différentes revues de l'éditeur de se rencontrer, il oblige aussi à une lecture synchronique et diachronique des bandes dessinées concernées par cet univers partagé.
DC Comics, pour unifier son cheptel d'avant 1956*, l'année qui voit la relance des certains de ses super-héros, mais avec de nouveaux alter ego, aura l'idée d'inventer des « Terres » parallèles.
Timidement dans un numéro de Wonder Woman, puis en tant qu'intrigue principale dans un numéro de la revue consacrée au bolide écarlate de l'éditeur.
Ces différentes « Terres » accueilleront dès lors les super-héros d'avant 1956, puis ceux que DC Comics rachète à des éditeurs qui ferment leur porte. Mais aussi les histoires en contradiction avec le canon du moment (la fusée de Kal-El s'écrase en U.R.S.S. en lieu et place de Smallville par exemple). Lesquelles s'insèreront donc dans la Continuité™, grâce à une « Terre » alternative.
« Flash » #123 devient ainsi la pierre angulaire d'un multivers.
En 1985, une « crise » à nulle autre pareille survient, et détruit le multivers en question dans une tentative de simplification.
En effet, à partir de la « Crise des Terres multiples » une maxi-série en 12 numéros, il ne reste qu'une seule Terre, et une seule réalité.
Et toutes les variations autour des personnages qui en ont connues disparaissent.
Bref, DC Comics remet son cosmos à zéro ; et contrairement aux lecteurs, aucun personnage (ou presque) ne se souvient du passé ni de ladite « Crise ».
Mais le ver était sûrement déjà dans le fruit, et depuis, on ne compte plus les reboots ni les relaunchs. À un point tel qu'il est souvent aussi difficile de s'y retrouver aujourd'hui qu'avant la « Crise des Terres multiples ».
Si avant 1985 on créait une « nouvelle Terre » lorsqu'un scénario commercialement valable entrait en conflit avec le canon en vigueur, dorénavant on invente une nouvelle « Crise ».
Mais ces refontes, parfois partielles, créées surtout de la confusion.
Ainsi, lorsque Batman et Superman se rencontrent pour la première fois (après une relance de l'univers) ; est-ce un reboot ? Un relaunch ? Ou le résultat d'un lavage de cerveaux par Lex Luthor sur le duo ?
Autre exemple, dans l'actuelle série « Deathstroke », écrite par Christopher Priest, ce dernier s'amuse à raviver tout un pan des aventures des Teen Titans (écrites justement par Wolfman et dessinées par Perez), grâce à des situation implicites (et climatiques), que ceux qui les ont lues dans les années 1980, ne peuvent pas ne pas avoir oubliées.
Ce qui est mon cas. Alors même que je ne sais pas, au moment où je les lis, si lesdites aventures font ou non, partie de l'actuelle (et nouvelle) Continuité™ de « Rebirth ».
La lecture de comic books de super-héros nécessite aujourd'hui quasiment d'utiliser la « double-pensée » chère au 1984 de George Orwell.
C'est-à-dire d'être contraint d'accepter (au moins) deux idées opposées, simultanément et absolument.
C'est d'ailleurs un aspect de plus en plus agaçant du genre. Il ne s'agit plus - dirait-on - de raconter de nouvelles histoires, mais de tourner autour d'un passé qui n'a, pourtant, jamais eu lieu, tout en racontant des événements lus maintes et maintes fois. Dont l'inévitable « origin story », la première rencontre, etc. ...
Un bégaiement qui ressemble de plus en plus à un manque d'imagination.
Cela dit, la rencontre du rebaunch (sic) et de l'origin story accouche parfois de plaisantes surprises.
Comme celle concoctée par Brian Azzarello et Eduardo Risso, pour les besoins de l’événement appelé « Flashpoint ».
Je vous passe les détails de ce point d'ignition, l'essentiel tient uniquement, pour aujourd'hui en tout cas, dans les trois numéros de l'arc intitulé Batman, Knight of Vengeance, traduit par Alex Nikolavitch pour Urban Comics. Disponible dans le deuxième numéro de la revue Flashpoint, commercialisé en 2012, en France.
Azzarello s'y amuse avec la traumatisante rencontre que la famille Wayne fait dans une ruelle de Gotham.
Et j'avoue qu'à la première lecture la chute de l'histoire a fait son effet.
Et en le relisant à l'occasion de la petite thématique de ce blog autour du Joker, je pense toujours qu'elle est l'une des meilleures histoires autour de cet évènement. Elle reste particulièrement saisissante, tout en connaissant pourtant la révélation inédite. Si Azzarello appuie sur les bons boutons, le travail d'Eduardo Risso et de Patricia Mulvihill, à la couleurs, n'est pas pour rien dans le plaisir qu'on prend à lire cette courte, mais efficace aventure.
Le dessinateur est un storyteller hors pair, et un adepte des aplats noirs expresionistes, lesquels font un excellent ménage avec les tons chauds de Patricia Mulvihill. Les deux artistes avaient déjà travaillé ensemble d'ailleurs, notamment sur la série 100 Bullets du même Azarrello.
Leur association parle d'ailleurs d'elle-même au travers des illustrations extraites de l'arc narratif en question que j'ai utilisées.
D'autant qu'elle peut se lire indépendamment de toute considération de continuité™, le seul prérequis pour que cela fonctionne à 100%, est de connaître l'apax existentiel qui transformera Bruce Wayne en Batman.
Un récit peut-être un peu passé inaperçu, mais qui selon moi, mérite largement qu'on s'y arrête.
Il fait en tout cas partie de mes préférés tous genres confondus.
Peut-être fera-t-il aussi partie des vôtres !?
_____________________
*Notez cependant que dès 1955, DC Comics invente un tout nouveau personnage, le Martian Manhunter, dont on peut croire qu'il était déjà une tentative de relancer la mode des « super-slips ».
Un type de personnages, alors tombés en désuétude.
À condition que ledit éditeur souscrive au principe en question.
Ainsi le DCU, ou Univers de l'éditeur DC Comics, est-il gouverné par ce Principe de continuité™.
Ce qui veut dire que si la famille Wayne sort d'avoir vu le Zorro de Douglas Fairbanks avant de rencontrer Joe Chill dans le « Batman » n°1, dix ans plus tard dans le numéro 120 du comic book en question, ce sera encore le cas. Sauf si une « Crise » a remis les compteurs à zéro.
Mais cela veut aussi dire que si Gotham est victime d'une quelconque épidémie dans le dix-septième numéro de ladite revue, et que dans le comic book « Superman » du même mois, Clark Kent écrit un article sur Gotham, cette épidémie devra y être mentionnée.
Autrement dit, si le Principe de continuité™ permet aux personnages des différentes revues de l'éditeur de se rencontrer, il oblige aussi à une lecture synchronique et diachronique des bandes dessinées concernées par cet univers partagé.
DC Comics, pour unifier son cheptel d'avant 1956*, l'année qui voit la relance des certains de ses super-héros, mais avec de nouveaux alter ego, aura l'idée d'inventer des « Terres » parallèles.
Timidement dans un numéro de Wonder Woman, puis en tant qu'intrigue principale dans un numéro de la revue consacrée au bolide écarlate de l'éditeur.
Ces différentes « Terres » accueilleront dès lors les super-héros d'avant 1956, puis ceux que DC Comics rachète à des éditeurs qui ferment leur porte. Mais aussi les histoires en contradiction avec le canon du moment (la fusée de Kal-El s'écrase en U.R.S.S. en lieu et place de Smallville par exemple). Lesquelles s'insèreront donc dans la Continuité™, grâce à une « Terre » alternative.
« Flash » #123 devient ainsi la pierre angulaire d'un multivers.
En 1985, une « crise » à nulle autre pareille survient, et détruit le multivers en question dans une tentative de simplification.
En effet, à partir de la « Crise des Terres multiples » une maxi-série en 12 numéros, il ne reste qu'une seule Terre, et une seule réalité.
Et toutes les variations autour des personnages qui en ont connues disparaissent.
Bref, DC Comics remet son cosmos à zéro ; et contrairement aux lecteurs, aucun personnage (ou presque) ne se souvient du passé ni de ladite « Crise ».
Mais le ver était sûrement déjà dans le fruit, et depuis, on ne compte plus les reboots ni les relaunchs. À un point tel qu'il est souvent aussi difficile de s'y retrouver aujourd'hui qu'avant la « Crise des Terres multiples ».
Si avant 1985 on créait une « nouvelle Terre » lorsqu'un scénario commercialement valable entrait en conflit avec le canon en vigueur, dorénavant on invente une nouvelle « Crise ».
Mais ces refontes, parfois partielles, créées surtout de la confusion.
Ainsi, lorsque Batman et Superman se rencontrent pour la première fois (après une relance de l'univers) ; est-ce un reboot ? Un relaunch ? Ou le résultat d'un lavage de cerveaux par Lex Luthor sur le duo ?
Autre exemple, dans l'actuelle série « Deathstroke », écrite par Christopher Priest, ce dernier s'amuse à raviver tout un pan des aventures des Teen Titans (écrites justement par Wolfman et dessinées par Perez), grâce à des situation implicites (et climatiques), que ceux qui les ont lues dans les années 1980, ne peuvent pas ne pas avoir oubliées.
Ce qui est mon cas. Alors même que je ne sais pas, au moment où je les lis, si lesdites aventures font ou non, partie de l'actuelle (et nouvelle) Continuité™ de « Rebirth ».
La lecture de comic books de super-héros nécessite aujourd'hui quasiment d'utiliser la « double-pensée » chère au 1984 de George Orwell.
C'est-à-dire d'être contraint d'accepter (au moins) deux idées opposées, simultanément et absolument.
C'est d'ailleurs un aspect de plus en plus agaçant du genre. Il ne s'agit plus - dirait-on - de raconter de nouvelles histoires, mais de tourner autour d'un passé qui n'a, pourtant, jamais eu lieu, tout en racontant des événements lus maintes et maintes fois. Dont l'inévitable « origin story », la première rencontre, etc. ...
Un bégaiement qui ressemble de plus en plus à un manque d'imagination.
Cela dit, la rencontre du rebaunch (sic) et de l'origin story accouche parfois de plaisantes surprises.
Comme celle concoctée par Brian Azzarello et Eduardo Risso, pour les besoins de l’événement appelé « Flashpoint ».
Je vous passe les détails de ce point d'ignition, l'essentiel tient uniquement, pour aujourd'hui en tout cas, dans les trois numéros de l'arc intitulé Batman, Knight of Vengeance, traduit par Alex Nikolavitch pour Urban Comics. Disponible dans le deuxième numéro de la revue Flashpoint, commercialisé en 2012, en France.
Azzarello s'y amuse avec la traumatisante rencontre que la famille Wayne fait dans une ruelle de Gotham.
Et j'avoue qu'à la première lecture la chute de l'histoire a fait son effet.
Et en le relisant à l'occasion de la petite thématique de ce blog autour du Joker, je pense toujours qu'elle est l'une des meilleures histoires autour de cet évènement. Elle reste particulièrement saisissante, tout en connaissant pourtant la révélation inédite. Si Azzarello appuie sur les bons boutons, le travail d'Eduardo Risso et de Patricia Mulvihill, à la couleurs, n'est pas pour rien dans le plaisir qu'on prend à lire cette courte, mais efficace aventure.
Le dessinateur est un storyteller hors pair, et un adepte des aplats noirs expresionistes, lesquels font un excellent ménage avec les tons chauds de Patricia Mulvihill. Les deux artistes avaient déjà travaillé ensemble d'ailleurs, notamment sur la série 100 Bullets du même Azarrello.
Leur association parle d'ailleurs d'elle-même au travers des illustrations extraites de l'arc narratif en question que j'ai utilisées.
D'autant qu'elle peut se lire indépendamment de toute considération de continuité™, le seul prérequis pour que cela fonctionne à 100%, est de connaître l'apax existentiel qui transformera Bruce Wayne en Batman.
Un récit peut-être un peu passé inaperçu, mais qui selon moi, mérite largement qu'on s'y arrête.
Il fait en tout cas partie de mes préférés tous genres confondus.
Peut-être fera-t-il aussi partie des vôtres !?
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*Notez cependant que dès 1955, DC Comics invente un tout nouveau personnage, le Martian Manhunter, dont on peut croire qu'il était déjà une tentative de relancer la mode des « super-slips ».
Un type de personnages, alors tombés en désuétude.
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