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Les États-Unis de Captain America

Difficile de lire la mini-série « Les États-Unis de Captain America », parue là-bas justement, entre juin 2021, le 30 pour être précis, juste avant l'Independance Day, et le mois d'octobre 2021, sans penser au « Hard Travelin' Heroes » que commencent Green Arrow & Green Lantern en février 1972.
On verra que les similitudes entre le travail de Christopher Cantwell & Dale Eaglesham, et celui de Dennis O'Neill & Neal Adams, ne sont pas que fortuites.
            Héros patriote de façon ostentatoire, l'angle politique de Captain America est cependant à relativiser.
Ainsi Joe Simon, le co-créateur du personnage, aurait déclaré que commercialement parlant une bonne histoire a toujours besoin d'un antagoniste fort.
Et dans les années 1940 Hitler était un candidat qui faisait alors fureur.
Héros patriote donc, Captain America est aussi - comme Jack Kirby le déclarera à Will Eisner ; une quasi mise à jour d'Uncle Sam (avril 1940), autre personnage aux couleurs du « Stars and Stripes », et qui l'a donc précédé mais chez l'éditeur National Comics™ (la futur maison d'édition qu'on appelle aujourd’hui DC Comics™). 
On n'oubliera pas The Shield (apparu en décembre 1939), un agent du FBI masqué, qui sera la cause de la transformation du bouclier de la Sentinelle de la Liberté, du duo Simon & Kirby. Lequel bouclier, qui deviendra dans l'intrigue de Cantwell un assez médiocre McGuffin©   
            Mais Captain America est aussi un avatar plus que crédible du légendaire Golem.
Comme l'être d'argile il est une re-création. 
On inocule en effet à Steve Rogers - individu chétif mais courageux, un sérum secret qui le transformera en athlète. Il porte en outre sur son masque, au niveau du front, la lettre « A ». Alors que sur le front du Golem est inscrit « emet ». Et son arme est un bouclier, équipement défensif plus qu'offensif, comme le rôle assigné à son légendaire modèle.  
Mais entrons dans le vif du sujet.
            Ça commence avec un Steve Rogers aux idées noires, qui se pose des questions sur le « Rêve » (pas sûr qu'il y est une majuscule cela dit), non vous n'êtes pas dans une BD de Neil Gaiman.
Bon je vous avoue que je n'ai pas bien compris où voulait en venir le scénariste Christopher Cantwell ; à part que le « Rêve » c'est comme les chasseurs du Bouchonnois
Sauf que cette entrée en matière m' a fait repenser à une page du Born Again de Frank Miller & David Mazzucchelli.  
Cantwell réglerait-il ses compte avec le personnage et Miller ?
Sur ce, Steve Rogers se fait attaquer et voler son bouclier.
Une course-poursuite s'engage, elle sera l'occasion de rencontrer Aaron Fischer, le Captain America version « Woody Guthrie » comme le remarque dans un bel effet de lampshading Sam Wilson, venu prêter main-forte à son ami.
Ce premier épisode pose les bases de ce que seront les suivants. Le Captain America des origines, universaliste, capable d'aller combattre les nazis en Europe, est une idée dépassée.  
Aaron Fischer, personnage dont le nom est par ailleurs mal orthographié sur la couverture de Jan Bazaldua , sera donc le défenseur des « sans domicile fixe », et des LGBTQ.
À ce sujet Marvel™ ne prend pas de risque puisque Cantwell le scénariste de la série s'est déclaré queer, Joshua Trujillo qui scénarise la back-up consacrée à Aaron Fischer est gay, et Jan Bazaldua qui dessine donc l'histoire de complément du numéro est un homme transgenre. 
Non non, je n'ai pas hacker leurs ordinateurs, ni payé un détective privé, tout cela est de notoriété publique.
            Toutefois Panini™, qui commercialise ce que produit l'éditeur américain en France, conscient que l'idéologie woke n'y est pas aussi bien reçu qu'aux U.S.A., ménage son lectorat (voir supra).
Ce que dément bien sûr l'attribution respective de ces Captain America de Prisunic™ aux auteurs cités.
En sus, Christopher Cantwell a même annoncé - sur les réseaux sociaux - qu'il avait fait don de son salaire pour ce premier numéro à une association LGBT.
Si ce n'est pas du militantisme de la part du scénariste, et du communautarisme de la part de l'éditeur, c'est quand même bien imité.
Reste à savoir la place qu'occupe le lecteur qui veut lire une aventure divertissante de Captain America dans tout ce cirque !?
Parce que de ce côté-là, le bilan est plus que négatif.
             L'histoire principale est en effet juste un prétexte pour introduire (sans jeu de mots) ce Captain America ferroviaire, dans l'ensemble assez mal dessinée par Dale Eaglesham. Sans parler (si je puis dire) des dialogues, que la traduction de Laurence Belingard n'arrange pas.
Reste une back-up où l'on peut voir un jeune homme, épais comme un sandwich SNCF (oui je sais, c'est de circonstance) battre à plate couture quatre gardiens armés. Rien qu'on ne soit pas habitué à lire dans ce genre d'histoire. Mais le mariage du « relevant comic », autrement dit d'une bande dessinée engagée dans les problèmes sociétaux & sociaux de son époque (la nôtre au demeurant) et ce genre de facilités narratives, est pire encore que s'il n'y avait pas cette prétention morale à l’œuvre. 
            Deuxième numéro, et nouveaux personnage ; dont le costume rappellera des souvenirs aux amateurs d'athlétisme. 
Et comme vous pouvez le voir ci-contre, la version française ne fait rien pour rendre attrayante cette aventure.
On a droit au cliché du shérif raciste, et du Noir en colère. 
Mais surtout, cette épisode est un quasi copier-coller du plus célèbre de ceux qui ont construit le « Hard Travelin' Heroes » de 1972.
            Rappelez-vous, alors qu'il vient de rater une intervention en se trompant de « méchant », Green Lantern, qui vient par ailleurs d'entendre son futur co-équipier évoquer le procès de Nuremberg (sans rire), et remis à sa place par un vieil homme Noir.
Dans une scène profondément gênante.
            Effectivement, voir un super-héros de l'envergure cosmique comme Green Lantern, ne pas savoir répondre à cet homme. Ne serait-ce, qu'il ne fait pas de différence quant à la couleur de ceux qu'il sauve, est assez pathétique.
Mais ce à quoi on assiste vraiment ici est un règlement de compte. 
            Il faut savoir que le vingtième numéro de la série Teen Titans, commercialisé fin janvier 1969, aurait dû être celui où apparaissait le premier super-héros Noir de DC Comics™.
Alors que tous le feux étaient au vert, au dernier moment, Carmine Infantino qui occupe alors le poste de responsable éditorial de l'éditeur, pose son véto à la publication dudit numéro. Dessiné par Nick Cardy et écrit par Marv Wolfman (voir ci-contre).
Neal Adams est appelé toute affaire cessante à la rescousse par les auteurs, mais il mal interprète le problème. Et réécrit et redessine l'épisode, en gardant Jericho, le super-héros Noir.
Mais Infantino ne veut pas de super-héros afro-américain car, pense-t-il, la frange conservatrice du lectorat ne l'acceptera pas.
Finalement, l'histoire et refaite de fond en comble une dernière fois par Adams, mais cette fois-ci, Jericho, renommé Joshua, est un personnage Blanc. 
            Nichelle Wright elle, n'hésite pas à faire la leçon à Captain America (avec quasiment les mêmes arguments que son prédécesseur ès reproches), lequel s'est pourtant battu sur le front européen, alors que tout dispensait Steve Rogers de le faire. Question de « se battre sur le terrain » je ne suis pas sûr que la jeune arrogante puisse faire la maille.
L'histoire de complément est elle aussi assez médiocre.
            Dans un soucis de n'oublier aucune « minorité », le troisième épisode est consacré au Captain America amérindien - Kickapou, et pour éviter toute « appropriation culturelle », Marvel™ a invité Darcie Little Badger de la tribu des Lipans, et David Cutler de la Qalipu Firts Nation, respectivement scénariste et dessinateur de l'histoire courte de complément « Des gens comme nous ».
Bon tout cela ne casse pas trois pattes à un canard, mais en ce qui concerne le 
« virtue signaling », tous les potards sont au maximum pour la Maison des Idées©.
            Tout n'est pas à jeter dans ce condensé de vertu ostentatoire.
Par exemple les couvertures de Gérald Parel, voire le design de la super-vilaine de service, dont on apprendra incidemment qu'elle a - tenez-vous bien ; « un accent allemand » ! 
Mais vous n'êtes pas au bout de vos surprises.
L'avant-dernier numéro présente la Captain America ..... des campus ! Sans rire.  
Arielle Agbayani, une étudiante américano-philippine dont le modèle n'est pas, contre toute attente, Steve Rogers mais Bucky Barnes.  
Du moins si on croit sur parole la scénariste Alyssa Wong. C'est Jodi Nishijima qui dessine la dernière histoire courte du recueil. 
Puisque suivant la tradition bien établie, après s'être crêpé le chignon, les super-héros s'unissent face à la Némésis du moment lors du dernier numéro.
Pour en revenir à « La fête d'Halloween » donc, les dix pages qui la composent n'auraient pas dépareillé le magazine Spidey des éditions LUG, plutôt réservé aux enfants, du moins dans ses 16 premiers numéros.
            Au final, cette fétichisation du sexe des auteurs, et cette fixation sur leur origine ethnique, au détriment de toute autre considération, ne risque pas de favoriser l'écriture d'histoires captivantes et distrayantes.
Vouloir à tout prix fournir des preuves de bien-pensance dispense visiblement de bien penser à ce qu'on écrit.
Reste un hybride gênant d'amateurisme créatif consternant et de militantisme progressiste (attention faux-ami) incongru.
Une chose est sûre, « Les États-Unis de Captain America » n'a pas eu besoin d'une lecture via des « lecteurs de susceptibilités » (sensitivity readers) pour être imprimée.
Pour tout dire, je dirais que cette histoire n'a besoin d'être lue par personne.   

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