Mike Baron, scénariste connu notamment pour la création du personnage Nexus, et son run sur le Punisher, est quelqu'un qui n'hésite pas à puiser ses idées dans les gros titres des journaux.
Bien qu'il se défende de faire de la politique, le one-shot qu'il a écrit, et fait publier en dehors du circuit des éditeurs institutionnels pour lesquels il a longtemps travaillé, est une prise de position très « Kulturkampf », qu'on ne peut pas séparer de ce qui se passe, encore aujourd’hui, aux U.S.A.
Un acte qui ne manquera pas d'être taxé de « controversé ».
D'autant que selon Baron, aucun éditeur approché n'a montré d'intérêt pour cette histoire.
Pire peut-être, selon lui, certains d'entre eux ont déclaré que transformer des flics de terrain en héros, ne correspondait pas à leur business plan. Le conservatisme qui prévalait à l'instauration de la Comic Code Authority™ est bien loin !
C'est donc au travers d'un financement participatif que « Thin Blue Line » a vu le jour.
Il faut dire que le sujet est particulièrement brûlant.
Inspiré des émeutes qui ont escorté le mouvement Black Lives Matter™, suite au meurtre de George Floyd par le policier Derek Chauvin, autrement dit l’homicide - filmé en direct - d'un homme Noir par un policier Blanc.
Un événement dramatique qui a suscité des protestations, mais surtout l'exigence de ne plus financer les services de police. Ce que Baron n'admet pas, en effet dit-il : « l’état de droit ne peut pas se passer de lois », et par conséquent de policiers pour les faire respecter.
Accusée de « désinformation et de racisme » sur certains réseaux sociaux de notre réalité, « Thin Blue Line » est l'histoire imaginaire de deux policiers, une mère célibataire, Valeria Baca (petite-fille d'Elfego Baca célèbre pistolero mexicain devenu shérif de l'Ouest sauvage), et son partenaire, Bob Mack, durant une chaude nuit d'été alors que la ville de Hagen (Illinois) s'embrase sous l'effet conjugué d'une fusillade impliquant la police, et des émeutes qui en découlent. Baca & Mack seront chargés de protéger le maire de Hagen, un politicien dont l'instinct de survie ne s'embarrasse ni de justice ni d'honnêteté. Et dont le projet affiché est - justement - d'annuler le budget de sa police.
Un plan qui ne déroulera pas sans accrocs !
C'est ainsi que le binôme devra faire face, en plus de la duplicité de l'édile, aux émeutiers, à des gangs, et à des milices ; tout en protégeant ceux qui en seront victimes.
Car contrairement aux informations qui seront propagées, ces manifestations ne sont en rien pacifiques.
Auteur reconnu de la profession [Pour en savoir +], Mike Baron fait maintenant figure d'outsider, au mieux.
Mais il est surtout désigné comme faisant partie de ce qu'on a appelé aux États-Unis le ComicsGate.
Une nébuleuse conservatrice, placée à l'extrême-droite de l'échiquier politique par ceux qui la vouent aux gémonies, composée d'auteurs et de lecteurs de bandes dessinée qui refusent l'arbitraire d'une politique diversitaire menée au nom de la vertu (ostentatoire).
Que ce soit au sein même des histoires, ou dans le choix de ceux qui les inventent.
Cette opposition aux Social Justice Warriors diversitaires a parfois pris l'aspect de campagne de harcèlement ; par exemple à l'encontre de Chelsea Cain [Pour en savoir +], en 2016.
Se voir attribuer, à tort ou à raison, l'étiquette « ComicsGate » n’est pas anodin.
Et il va sans dire qu'écrire un scénario où des policiers apparaissent en agissant de manière héroïque, suffit à faire de vous un anti-progressiste aux yeux des SJW.
Cette mise au ban de la bien-pensance, a toutefois réussi à certains d'entre eux, je pense notamment à Ethan Van Sciver ou Eric July qui aurait collecté pour 3,7 millions de dollars en financement participatif.
Et d'une manière générale cette étiquette sert aujourd'hui de bannière de ralliement pour toute une frange de créateurs qui veulent offrir une alternative aux éditeurs dont l'agenda politique prime sur le divertissement. Selon les dires des sécessionnistes.
Ethan Van Sciver commercialise d'ailleurs un tas de goodies labellisés « Comicsgate », ou l'art du contrepied lucratif.
Ceux qui connaissent un peu Mike Baron savent que ce n'est pas une posture de « vertu ostentatoire », mais paradoxalement sa bande dessinée coche presque toutes les cases progressistes (attention antiphrase).
Son personnage principal est une femme, son grand-père était mexicain, elle traite de manière équitable, et surtout adaptée sa rencontre avec un gang et une milice, et elle fait son devoir en protégeant quelqu'un qui ne lui veut visiblement pas du bien.
Pratiquante de jiu-jitsu brésilien, elle élève sa fille seule.
Dernier rempart face au chaos & à la barbarie (la signification du titre), elle a néanmoins un aspect rédhibitoire aux yeux des Social Justice Warriors : elle est flic.
Histoire mal-pensante donc, « Thin Blue Line » est-elle bien pensée ?
Oui, sauf qu'elle n'aurait pas abusée en étant un peu plus développée. Pour tout dire je suis resté sur ma faim.
Pour prendre une métaphore carniste, c'est un menu sans gras qui oublie que ce sont les lipides qui donnent tout sa saveur à la viande.
Je l'ai dit, Mike Baron regrette que certains choix faits par les auteurs et les maisons d'édition soient entièrement motivés par l'idéologie, au détriment du divertissement que devrait vendre ce type d'histoire.
Reproche qu'on pourrait lui faire ici puisque son dessinateur est un ancien militaire, policier en activité de surcroit.
Mais force est de constater que Joseph Arnold s'en tire avec les honneurs.
Pour rester sur le terrain de l'idéologie et du paradoxe, une partie des bénéfices de cette BD est reversée à des programmes de soutien à la police. La neutralité du divertissement pour lui-même en prend donc un sacré coup.
Est-ce moins pire que si c'était mieux ?
Il faudrait demander à Christopher Cantwell, un scénariste woke (selon ma nomenclature) qui a récemment versé une partie de son salaire à une organisation LGBT+ [Pour en savoir +].
Au final, nonobstant les déclarations de Mike Baron au peu de média qui lui ouvre l'antenne, si « Thin Blue Line » est l'une des meilleures histoires qu'il a jamais écrite, elle est à mon avis plus courageuse que totalement réussie.
Cela dit j'ai déjà pris mon billet pour son prochain projet, déjà tout aussi
« controversé » [sourire].
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