J'avais déjà lu quelques romans de Jean-Christophe Grangé, dont certains qui m'évoquent d’ailleurs de bons souvenirs (Le vol des cigognes ou encore L’Empire des loups). Mais sans raison qui me vienne aujourd'hui à l'esprit, il y avait longtemps que ça n'avait pas été le cas.
Et « Rouge karma » me laissera au demeurant un sentiment assez mitigé.
En effet, ce hold-up symbolique dans lequel le butin se retourne finalement contre ceux qui sont à l'origine du casse, a joué aux montagnes russes avec mes impressions.
Dans la première partie, qui a mon avis est la plus intéressante et la plus captivante, paradoxalement puisque la moins exotique, Jean-Christophe Grangé s'intéresse, et par la même occasion brosse un portrait du Mai 68 parisien, au travers de ses trois principaux personnages.
Et de mon point de vue il juge l'agitation parisienne avec une justesse qu'on n’est guère habitué à lire.
C'est d'autant plus réjouissant, et ceci expliquant sûrement cela, que je partage entièrement son analyse.
Laquelle est donc vue grâce à une étudiante militante engagée, un étudiant fort en thème plutôt détaché de la verve révolutionnaire et enfin, d'un policier, ancien militaire durant les événements d’Algérie (comme on disait à l’époque).
Nicole, la militante en question, est à mon avis le personnage le plus réussi de tout le roman. Jean-Christophe Grangé en fait une jeune femme intelligente & romantique, capable néanmoins de prendre les choses en mains sans pour autant être sûre d'elle. Une caractérisation éloignée d'une certaine sensibilité contemporaine qui cherche en tout le miroir de ses propres préoccupations militantes (sic).
Hervé, révolutionnaire en espadrille qui en pince pour Nicole, est le personnage le plus décrit, mais le moins intéressant, alors même qu'il est au centre de l'intrigue.
Mersh est quant à lui un flic à la redresse selon mon cœur, que Jean-Christophe Grangé nuancera sans pour autant en faire une femmelette.
Tout autour de ce trio orbitera une flopée de personnages secondaires, dont beaucoup ne feront d’ailleurs qu’un passage météorique et souvent très dispensable.
Or donc, « Rouge karma » peut être découpé en trois parties :
• Une première partie dite parisienne
• Une seconde partie indienne qui se déroule en grande partie à Calcutta.
• Et enfin une troisième partie, à cheval sur l'Inde et un autre endroit dont je tairai la localisation.
La partie indienne est donc la plus faible. Voire la plus barbante.
L'auteur, qui avait déjà montré un soin excessif à cartographier les allées et venues de ses protagonistes dans la capitale française, s'acharne à faire de même en Inde, en y ajoutant tout un folklore postmoderne qui emprunte bien trop au palais de glaces du cliché pour ne pas finalement ennuyer son lecteur.
Grangé se sert aussi - un peu trop à mon goût - du procédé dit de
« lampshading » ; lequel consiste à mettre en en pleine lumière, par le biais des personnages, une situation par trop heureuse, ou tout simplement invraisemblable, pour se moquer de la coïncidence ou de l'énormité dont use justement l'auteur.
L'idée est que la situation une fois évoquée aussi ouvertement, genre on n’est pas dupe, le lecteur passe à autre chose.
Manière surtout de maintenir le pacte de lecture quand le lecteur risque de ne plus y croire.
Mais l'accumulation du procédé finira par me faire l’effet d’un running gag, avec les conséquences qu’on peut imaginer sur un thriller qui n’a pas pour vocation d’être le dindon de sa propre farce.
Il y a d'ailleurs un gouffre entre les péripéties qu'on dirait tout droit échappées d'un roman de la Bibliothèque verte©, et les détails morbides et explicites des meurtres qui jalonnent l'histoire. Ou avec le portrait d'une jeunesse qui ressemble plus à son temps qu'à ses parents ; c’est-à-dire quasi moribonde à cause des drogues, ou à la merci des sectes qui pullulent dans l’Inde de J-C Grangé.
Mais bien entendu, il s'agit là de ma propre expérience de lecture.
Tout comme de voir dans « Rouge karma » un hold-up symbolique.
Pour tout dire, l'idée m'en est venue vers la fin, lors de la troisième partie, lorsque sacrifiant - encore une fois - à l'esprit du lieu commun Jean-Christophe transforme son « méchant » en machine à solution, et lui fait débiter ses motivations et ses buts.
Et là je me suis dit « Bon Dieu mais c'est bien sûr » !
D'autant que l'un des personnages secondaires, mais néanmoins matriciel - si j’ose dire, s'appelle Simone. Et de Simone à simonie il n'y que l'ombre d'une interprétation que tout concoure à mettre au jour.
En tout cas « Rouge karma » me laissera le souvenir d'un roman certes divertissant, un peu trop long toutefois, mais pas du genre à me donner l'envie de rattraper mon retard quant à la bibliographie de Jean-Christophe Granger.
Toutefois je salue son courage, lui qui n'hésitera pas à créer un personnage féminin très loin des critères du néo-féminisme contemporain, ou un dur-à-cuire « soja free ».
Idem pour son évocation de Mai 68, qui remet les pendules idéologiques à l'heure des faits.
Grâce lui en soit rendue. [Sourire]
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Rouge karma, de Jean-Christophe Grangé, Albin Michel, mai 2023, 592 pages, 23,90 euros.
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