Accéder au contenu principal

Bad Company [Peter Milligan / Brett Ewins / Jim Mccarthy / Tom Frame]

Si la bande dessinée anglaise, ou disons britannique n'est pas aussi florissante qu'elle le pourrait, compte tenu des créatifs grands-bretons qui travaillent surtout pour les éditeurs étasuniens, l'hebdomadaire 2000 AD [Pour en savoir +] et son petit frère (depuis 1990) Judge Dredd Megazine continuent vaille que vaille de proposer un beau catalogue d'histoires.
            Et au sein de ces publications, la « Bad Company » est l'une de mes séries préférées. 
Elle est l’œuvre du scénariste Peter Milligan, du dessinateur Brett Ewins, de l'encreur Jim McCarthy et du lettreur Tom Frame. 
            Le concept en est très simple : dans un futur éloigné  - créée en décembre 1986 (2000 AD n°500) la série se déroule en l'an 2210, sur la planète inhospitalière Ararat, une section de soldats terriens, commandée par Kano, combat les Krools, des extraterrestres belliqueux (et moches comme des poux).
Cette série se base sur un projet avorté qui aurait dû paraître dans la revue anthologique Judge Dredd Fortnightly. Un magazine bimensuel, comme son nom l'indique, en lequel l'éditeur IPC™ ne croira pas suffisamment, et donc que les lecteurs n'auront pas l'heur de lire.
            Ceci étant, la B.A.D Company - entre autres séries qui devait paraitre à son sommaire, imaginée par John Wagner, Alan Grant et Carlos Ezquerra, voyait dans son premier et seul épisode publié (beaucoup plus tard), la 1st Mega City Volonteers, du moins ce qu'il en restait, sauvée par le major Kano - un ex-Judge, et sa section de soldats perdus, d'une attaque des Nurds.
Si le design des personnages changera, si les Nurds laisseront place aux Krools, et si le lore de Mega City, autrement dit celui de l'univers fictionnel du Judge dredd sera abandonné, la série est quasiment livrée clef en main pour Milligan & Co.. 
Dont la procédure d'accréditation, que reprendra donc Peter Milligan dans sa propre version, qui passe par le journal intime d'un des membres de cette B.A.D. Company première mouture, mais qui n'est pas encore sourcée (voir supra).
La tentation diaristique si j'ose dire, remonte toutefois à beaucoup plus loin dans la carrière de John Wagner.
Car avant la « Bad Company », avant même la B.A.D Company il y avait la série Darkie's Mob, ou pour les lecteurs français qui lisaient de la BD dans les années 1970/1980, La Bande à Darkie
            Il s'agit d'une série, parue dans le magazine Battle Picture Weekly, en 1976-1977. Elle prend pour cadre la Seconde Guerre mondiale sur le front Pacifique (en quelque sorte), et plus précisément la jungle birmane.
L'aventure est racontée du point de vue d'un journal intime ayant appartenu au soldat Richard Shortland. Il y décrit la prise en main de ce qui reste de leur unité par le capitaine Darkie, un officier britannique qui voue une haine terrible aux soldats japonais. 
Et dont la cruauté n'épargnera pas les hommes sous son commandement.
Outre les péripéties guerrières que l'on est en droit d'attendre d'une telle série, La bande à Darkie développera un mystère autour de qui est justement le capitaine Darkie
Un gimmick que reprendra aussi Peter Milligan dans le premier arc narratif de la Bad Company, mais d'une manière qui n'appartient qu'à lui, et qui fera son succès aussi bien lorsqu'il travaillera pour le label Vertigo©, que lors de sa reprise de la X-Force chez Marvel™. 
            Et pour en revenir au dispositif du journal intime, je me permets une petite anecdote, rapportée par Pat Mills dans son livre Be Pure! Be Vigilante! Behave!.
L'idée de raconter l'aventure du capitaine Darkie sous la forme d'un journal intime viendrait d'une série dessinée par Esteban Maroto et écrite par John Cornforth, intitulée The Private War of Nicola Brown. Publiée dans la revue anglaise Romeo, en 1971. Revue destinée aux adolescentes, pour laquelle Mills & Wagner ont travaillé, c'est même là qu'ils se sont rencontrés.
Un procédé élégant que Pat Mills reprendra d'ailleurs pour son chef-d’œuvre, La grande guerre de Charlie, dessiné par Joe Colquhoun.
Toujours est-il, et c'est là où je voulais en venir, que John Wagner, à la toute fin des 43 épisodes (de 3 ou 4 pages seulement) de la guerre quasi personnelle que Darkie mène en Birmanie, s'est entièrement rasé le crâne.
Ce qui fera dire à Mills dans son livre de souvenirs, que ce geste entérinait ce que tous savaient déjà ; Joe Darkie était devenu rien de moins que l'alter ego de John Wagner. Et qu'à travers ce geste le natif de Pennsylvanie, portait le deuil de son personnage (un lien que revendiquera par ailleurs, avec son propre alter ego - jusqu'à la boule à zéro, Grant Morrison, lorsqu'il écrira Les Invisibles).
Mais revenons au premier arc de la série, paru dans les numéros 500 à 519 de 2000 AD.
          Milligan, Ewins et McCarthy, au moment du recrutement des membres de la Bad Company ont sûrement payé leur écot au cinéma de la Hammer Film Production™.
On y retrouve en effet une sorte de monstre de Frankenstein, un simili-vampire, un chien-garou, ou encore un Baron Samedi tout ce qu'il y a de plus convaincant. Voire un homme-plante et un robot.
Leurs aventures auront aussi le charme bien peu discret du surnaturelle. 
En sus de fournir son quota d'affrontements. Et un MacGuffin™ pas piqué des hannetons et tout aussi Hammer™ friendly.
            Milligan n'oublie évidemment pas de doter ses héros d'une personnalité, et d'enrichir les nombreuses péripéties d'interactions qui transformeront ses protagonistes en individus pour lesquels on éprouvera de la sympathie, de l'antipathie ou parfois de l'empathie.
Bref, ils sortiront assez facilement du cadre restreint des pages imprimées pour nous accompagner bien plus loin que ne le ferait une simple lecture divertissante.
Ce qu'est aussi, heureusement,« Bad Company ».  
Probablement l'une des meilleures séries de la noria d'histoires qu'a enfanté cet univers éditorial depuis 1977, et le travail le plus convaincant du scénariste anglais.
 
(À suivre ......)  

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Juste cause [Sean Connery / Laurence Fishburne / Ed Harris / Kate Capshaw]

« Juste Cause 1995 » est un film qui cache admirablement son jeu.             Paul Armstrong , professeur à l'université de Harvard (MA), est abordé par une vieille dame qui lui remet une lettre. Elle vient de la part de son petit-fils, Bobby Earl , accusé du meurtre d'une enfant de 11 ans, et qui attend dans le « couloir de la mort » en Floride . Ce dernier sollicite l'aide du professeur, un farouche opposant à la peine capitale.   Dès le départ, « Juste Cause 1995 » joue sur les contradictions. Ainsi, Tanny Brown , « le pire flic anti-noir des Everglades », dixit la grand-mère de Bobby Earl , à l'origine de l'arrestation, est lui-même un africain-américain. Ceci étant, tout le film jouera à remettre en cause certains a priori , tout en déconstruisant ce que semblait proposer l'incipit du film d' A rne G limcher. La déconstruction en question est ici à entendre en tant que la mise en scène des contradictions de situations ...

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'...

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" (...