La réputation est, comme chacun sait, la somme des malentendus qu’on accumule.
Récipiendaire, en 1994, d’un prix Arthur C. Clarke©, pour son premier roman (dont il est ici question) publié l’année précédente chez Ringpull Press™, une maison d’édition mise sur pieds par les employés de la librairie où travaillait Jeff Noon. Ce qui en fait de facto un roman Sf. Associé à la génération « Trash » made in Irvine Welsh & John King. Comparé à William Gibson le « pape » du cyberpunk™, Jeff Noon est peut-être, surtout, un auteur « culte », à l’aune de ce que je sais de sa réception en France.
Du moins dans l’acception qui définit (ici) un romancier passé sous le radar des lecteurs, dont un petit comité entretient néanmoins la permanence dans l’une des plus obscures marges du quadrant de la culture.
Cela dit, pour qu’un auteur « culte » le soit, il faut bien évidemment qu’il ne le soit plus. Qu’il accède à une certaine notoriété, pour que ceux qui ne l’avaient pas remarqué alors, puissent dire qu’il l’est. Culte !
Ce qui peut doit prendre un certain temps.
Comme on peut aisément le remarquer, ce marqueur est aussi une manière de démarquer celui qui l’utilise.
Un qualificatif dont la valeur d’usage souligne désormais son contraire. « Culte » est ainsi devenu l’expression d’un engouement, d’une vénération
Quasi confidentiel donc, Jeff Noon l’est me semble-t-il resté.
Quand bien même les éditions de la Volte™ ont entrepris à l'orée du 21ème siècle de recommercialiser deux de ses romans, dans une nouvelle traduction, publiés respectivement en 1997 et en 1998 par Flammarion™, sans taxonomie particulière.
Dont « Vurt ».
Le Vurt n’est jamais expressément expliqué par Jeff Noon.
Il s’appréhende presque essentiellement par l’expérience qu’en font certains personnages.
« Vurt » est en quelque sorte un roman d’initiation à sa propre nature.
Ce n’est donc pas étonnant que l’auteur cite nommément Joseph Campbell ici et là, lorsqu’on lui demande de parler de son roman.
Autrement dit, Jeff Noon ajoute du Temps à la transposition idiosyncratique du Jardin des délices d’Octave Mirbeau qu’il envisageait du temps où il projetait d’écrire une pièce de théâtre, en s'inspirant de l'écrivain français.
Dans une version probablement limitrophe au Tanger de William S. Burroughs de la ville natale de l'auteur, les Chevaliers du Speed sont en quête de plumes Vurt et de Desdémone. Laquelle a disparu dans un monde onirique dont l’accès ressemble à celle d'une borne d'arcade (où les plumes font office de jeton/disquette), peuplé d'un panthéon composé de Maître Chat, du Général Reniflard (un dieu porte), de Hobart.
Ce parcours héroïque ne sera évidemment pas sans obstacles ni sans dangers.
Si le Manchester du Scooby-Gang™ halluciné est 13 étrange, la vurtualité qui accueillera ses membres (le Beetle, Scibble, Mandy ou encore Bridget, sans oublier Scoobydoo la Chose-de-l’Espace qui ne vient pas vraiment de l’espace) grâce auxdites plumes, le Vurt (monde secondaire du Manchester festif & nu) donc, ne l’est pas moins.
Lu pour ma part aux alentours de sa première publication hexagonale, j’ai le vague souvenir de n’avoir pas réussi à remplir mes ballastes de la suspension d’incrédulité nécessaire à m’y immerger.
Vingt plus tard, non seulement la plongée dans « Vurt » ne m’a posé aucun problème, mais je crains bien être devenu accro.
Ça tombe bien, puisque cet univers à nul autre pareil, se compose de 4 romans :
« Vurt1993 » donc, Pollen1995 sa suite immédiate, Alice Automatique1996 un « trequel » aux aventures d’Alice (oui, celle du Pays des merveilles®) en même temps qu'un prequel à « Vurt », et enfin NymphoRmation1997 qui s’intercale entre Alice automatique et « Vurt ».
Le tout bien évidemment publié par La Volte™.
Une chronologie qui, de mon point de vue, ne nécessite pas un attachement rigoureux, tant le vurtuniverse n’entretient que peu de liens avec les lois physiques qui régissent notre propre univers.
Au final, « Vurt » est une destination que je recommande absolument, d’une durée de 384 pages et d’un prix unique de 22 euros.
[TW :] Risques d’accoutumance.
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