« Diana Hunter, 60 ans, divorcée sans enfants, écrivaine spécialisée en Réalisme magique est morte en garde à vue. L’inspectrice d’investigation d’échelon A, Mielikki Neith, est chargée de faire la lumière sur ce décès ».
Programmé pour être disponible dès le 3 mars 2021, le deuxième tome de GNOMON reprend exactement là où son prédécesseur s'était arrêté [Pour en savoir +].
C'est d'autant plus vrai que, comme vous le savez peut-être, l'histoire a été écrite par Nick Harkaway pour être publiée (ce qu'elle a été) d'un seul tenant.
En apprenant qu'en France son roman serait partitionné en deux, l'écrivain britannique a d'ailleurs proposé de réécrire la fin de ce qui allait devenir le premier tome, pour faciliter la transition. Mais Gilles Dumay, le directeur d'Albin Michel Imaginaire™, a décidé que le chapitre intitulé « voix sur vinyle rayé », qui conclut donc le premier tome, avait toutes les qualités requises pour le faire, sans qu'il soit nécessaire de modifier le texte original.
Si la société dans laquelle vit Mielikki Neith anticipe ce qui pourrait bien nous arriver dans un avenir plus ou moins proche, toutes choses égales par ailleurs, le roman s'articule visiblement d'après les codes du whodunit.
Autrement dit du récit policier tel qu'imaginé par Edgar Allan Poe dès 1841, et qui n'a jamais cessé de faire le bonheur de ses aficionados.
Mais, et ce deuxième tome confirme mes soupçons, GNOMON ressort à un avatar du genre : le whodunit métaphysique.
Que l'on se trouve face à une enquête policière tombe sous le sens. Cependant, très rapidement, GNOMON procède à une mise en abyme, et l'identité-palimpseste de la victime subvertit petit à petit la rationalité de l'enquêtrice. Mielikki Neith devient, malgré elle, la victime d'une enquête qui semble sans fin, où Diana Hunter serait sa Shéhérazade. Les « preuves » qu'elle découvre ainsi ne lui sont d'aucun secours, alors même que son implication dans le processus à l’œuvre fait de moins en moins de doute.
Des thèmes que justement Patricia Merivale et Elizabeth Sweeney ont identifiés comme étant à même d'appartenir, et surtout de caractériser, le roman policier métaphysique.
Roman de l'échec, le whodunit métaphysique rechigne en effet à la clôture narrative si caractéristique de son modèle traditionnel. Idem en ce qui concerne le détective en tant que lecteur de substitution. Ces contre-mesures ne résistent pas à révéler sa vraie nature :« poser des questions relatives à la formation du monde et de l'être au sein d'icelui ».
« Vaste programme » aurait pu dire le Général.
Confinant au Sublime tel que théorisé par Edmund Burke, le whodunit métaphysique a un effet de sidération, de terreur, et de solitude, dont le sillage qui parcourt le roman, n'aura pas échappé aux lecteurs, pas plus qu'aux lectrices de GNOMON.
Sa conclusion (?), tout en stupéfaction, est certainement ce qu'il est permit d’appeler, à la suite de Burke, un « plaisir négatif », conséquence de l'atténuation d'une terreur délicieuse dont on garde néanmoins l'empreinte.
GNOMON ou, la curiosité comme passion fatale.
🦈 Tous mes remerciements à Albin Michel Imaginaire™ pour m'avoir envoyé un exemplaire du roman de Nick Harkaway en avant-première.
J'ai lu attentivement les critiques de chacun et ça me parait complexe tout ça, pas accessible à tous de prime abord, il faut être prêt à "souffrir" un peu.
RépondreSupprimerUn peu est un euphémisme...
SupprimerContent de l'avoir lu mais je suis probablement passé à côté de beaucoup de chose.
Je ne sais pas si « souffrir » est le terme que j'utiliserais, mais GNOMON est un livre qu'il faut lire en étant très attentif, et qui accorde à sa propre nature, un soin formel qui n'est pas dû au hasard.
SupprimerCe n'est pas, à mon avis, un livre qu'on lit pour se distraire, de manière un peu automatique.
Il demande un investissement, c'est sûr. [-_ô]
Quant à passer à « côté de beaucoup de choses » c'est le lot de tous les lecteurs. Mais d'un autre côté, on y voit aussi des choses qui ont parfois échappé aux romanciers. [-_ô]
Pour l'avoir lu deux fois en entier (une fois en anglais, une fois en français) et certains passages quatre ou cinq fois à cause des questions de la préparatrice de copie, Gnomon me semble un peu relever du livre infini ou fractal : on découvre des choses à chaque lecture ou relecture ; par contre, le propos est évident dès qu'on a fini sa première lecture. René-Marc Dolhen, sur la Noosfère, le traduit parfaitement bien à mon sens. J'ai encore plus de plaisir à le lire en français, car beaucoup de choses pourtant évidentes m'avaient échappé en VO.
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