«Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n'a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions des mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.»
Arthur Rimbaud, Une saison en enfer.
______…. Depuis la fin des années 1920 (au moins) le mot science-fiction a fait fortune, même s’il n’a pas forcément fait celle de ceux qui en ont fait ce qu’il est aujourd’hui.
On ne sait pas trop bien ce qu'il veut dire. Le genre que nous aimons est rarement lié à la science, pas toujours à la fiction. Mais il faut croire que le tout est plus grand que les parties qui le composent !
Toutefois certaines parties sont plus saillantes que d’autres.
Crayonnés de Manchu pour Latium |
C’est bien simple, le premier tome du diptyque coche toutes les cases made in phénomène, et produit un roman profondément original.
Il n’est pas le premier à apporter sa pierre à la Maison des Idées (toujours en construction) qu’est la science-fiction (Cf. le «mégatexte» en question), mais Romain Lucazeau le fait avec un talent monstre, dont je n’ai pas été si souvent le témoin.
Peut-être n’aimera-t-il pas mon sentiment d’orgueil franchouillard, mais savoir que cette révélation vient de ce que l’Hexagone a de mieux à donner en terme de culture & d'enseignement, me fait aussi très plaisir.
…. « Dans la veine d’un Dan Simmons ou d’un Ian Banks » dit encore la quatrième de couverture, eh bien la saignée dépasse largement le slogan - si accrocheur soit-il - et donne un sacré coup de fouet au genre.
Je ne doute pas d’ailleurs de lire très bientôt, sur d’autres ouvrages que les siens, quelque chose dans le goût de « Un spectacle de S-F vertigineux, dans la veine d’un Romain Lucazeau ».
.... Romain Lucazeau est définitivement un faiseur de regard à forte dimension qualitative !
(À suivre dans le deuxième tome)
I
….Un long frisson parcourut les quarante kilomètres d’envergure du Vaisseau : les rares systèmes réflexes actifs durant la longue phase de sommeil sursautaient, comme surpris par une brutale montée des eaux, lorsque la crue change un ruisseau en fleuve, le perd en mille canaux, à travers la terre sèche, et fait fleurir les graines patientes que recèle le sol. ….À la vitesse des photons, le signal traversa le réseau de fibres optiques tressées de synapses semi-biologiques. Sur son passage, la machinerie se ralluma, dans un grésillement d’appareillage électronique, qui plana un instant dans les soutes vides et les coursives désertes, dans les cités aux spires cristallines et les réservoirs emplis d’algues luminescentes, dans les jungles sous serre et les usines plongées dans l’ombre. ….Au sein des génératrices de premier niveau, des barres de combustible glissèrent dans des cuves de confinement, et les atomes de thorium entamèrent leur processus de fission. Le câblage supraconducteur recommença à pomper de la puissance, qu’à son tour les supports semi-organiques transformèrent en capacité de calcul. ….Le processus était à la fois mécanique et biologique, causal et finalisé. Il se développait par ramifications successives, comme un déploiement d’états mentaux, qui s’engendrent les uns les autres. La complexité s’additionnait à la complexité, la conscience émergeait du machinal, des perceptions s’étendaient en tous sens, reprenaient le contrôle des instruments de détection, des bras articulés, des laboratoires et des ateliers. ….Mais pour avoir plus de pensée, il fallait plus d’énergie : dans l’accélérateur de particules, fin trait de métal courant sur toute la longueur de la soute centrale, des atomes d’hydrogène prirent de la vitesse, des champs magnétiques subtils se mirent en place pour capturer et guider l’antimatière engendrée par les myriades de collisions microscopiques, vers le mélangeur situé à la poupe. Bientôt, les premières annihilations de couples électron/positron crépitèrent, libérant une chaleur fulgurante. Cette dernière vaporisa, au sein de tubes en alliage spécial, un flux d’argon comprimé, qui, à son tour, mit en branle les turbines des alternateurs géants de la poupe. [...] |
▓ J’ai eu le plaisir de voir que ma recension de sa nouvelle (De si tendres adieux : Pour en savoir +) parue dans le numéro 84 de la revue Bifrost avait été citée sur le propre blog de l’auteur (Pour en savoir +), où je me suis transformé en Artemus Data.
Lorsqu’on sait de quoi parle Latium et a fortiori la nouvelle en question, on saisit l’honneur qui m’est fait :
Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’automates intelligents, métamorphosés en immenses nefs stellaires. Orphelins de leurs créateurs et dieux, esseulés et névrosés, ces princes et princesses de l’espace attendent, repliés dans l’Urbs, une inéluctable invasion extraterrestre, à laquelle leur programmation les empêche de s’opposer. Plautine est l’une d’eux. Dernière à adhérer à l’espoir mystique du retour de l’Homme, elle dérive depuis des siècles aux confins du Latium, lorsqu’un mystérieux signal l’amène à reprendre sa quête. Elle ignore alors à quel point son destin est lié à la guerre que s’apprête à mener son ancien allié, le proconsul Othon.Pétri de la philosophie de Leibniz et du théâtre de Corneille, Latium est un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses. Un spectacle de science-fiction vertigineux, dans la veine d’un Dan Simmons ou d’un Iain M. Banks.Romain Lucazeau vit à Paris. Latium est son premier roman.
L'erreur sera prestement corrigée, cher monsieur Dada. Merci pour votre recension,
RépondreSupprimerNon, merci à vous pour cet excellent(et le mot est faible) roman ; et comme je l'ai dit c'était plutôt amusant vu le contexte du commentaire, de devenir "data".
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