Évacuons d'ores et déjà une question légitime, s'agissant d'un billet critique : oui Magnus satisfait totalement aux critères qu'on peut attendre d'une lecture divertissante. Là où c'est un peu moins réjouissant, c'est que cette série, publiée mensuellement aux États-Unis entre juin et octobre 2017, à tout d'un simulacre baudrillardien (made in Matrix).
En effet Magnus surf sur des idées dont Isaac Asimov ou Philip K. Dick faisaient déjà leur quotidien il y a 70 ans. Notamment les « 3 lois de la robotique », qu'Asimov a popularisées, quand bien même l'idée venait du rédacteur en chef du pulp magazine Astounding Science-Fiction, Joseph W. Campbell. Une idée plutôt géniale dans les années 1940, mais qui aurait eu besoin d'être ajustée à notre XXIème siècle gorgé de code et autres « applis » . Surtout s'agissant d'une fiction sensée se dérouler en 2050.
Ainsi pourrait-on déjà se demander comment programmer, dans un langage que pourrait comprendre une Intelligence Artificielle (I.A.), les impératifs moraux que sont lesdites « trois lois de la robotique ». En l'état actuel de nos connaissances, selon Jean-Paul Delahaye (membre du Comité d'éthique du CNRS), c'est tout simplement impossible. Sans parler de hiérarchiser lesdits principes moraux.
En outre, si cela était possible, cela voudrait dire que ces I.A. en question auraient acquis une véritable intelligence. Autrement dit qu'elles seraient rien de moins que des individus, dont cette programmation ferait, ni plus ni moins, des esclaves.
Ce dernier aspect est d'ailleurs abordé dans la version de Kyle Higgins et de Jorge Fornés, mais dans son versant plus sociale que scientifique. Les deux angles ne sont bien entendu pas incompatibles (au contraire). Mais privilégier une transposition de notre société contemporaine, sans prendre en compte les questions scientifiques qui y sont déjà en question, limite (forcément) le propos d'un récit de science-fiction.
Sans parler que ce type d'anticipation sociale, a déjà été l'objet de maints récits antérieurs.
Déjà en 1963 lorsqu'il invente Magnus, le dessinateur & scénriste Russ Manning imagine un lointain futur où le héros combat des robots aux velléités dictatoriales, sans réellement pousser l'aspect scientifique. Grand amateur des romans d'Edgar Rice Burroughs, dont il a lu la totalité avant même ses douze ans, Russ Manning créé une sorte de Tarzan du futur qui, en lieu et place d'être élevé par Kala la Mangani (ou Grand Singe) l'a été par A1, le plus vieux robot encore en activité en l'an 4000. Si de son propre aveu, il considère Magnus comme son travail le plus abouti, c'est pourtant Tarzan, qu'il reprendra deux ans plus tard, qui lui donnera une consécration internationale.
Or donc, Kyle Higgins inverse la proposition de Manning, et fait de Magnus une psychologue capable de se rendre dans le « Cloud », substituant dans un moment afterpop [Pour en savoir +], que plébiscite notre époque (et que j'apprécie tout autant), au mâle alpha de 1963, une jeune femme tout aussi coriace. Mais aux vues diamétralement opposées.
Jorge Fornés au dessins, et le coloriste Chris O'Halloran, font un travail magnifique. Sur l'extrait ci-dessus on peut ainsi voir comment l'utilisation de la couleur et du cadrage devient un langage, que le lecteur comprend, capable de refléter l'état d'esprit d'un protagoniste. Le « Cloud » fait aussi l'objet de leur attention, en proposant un rendu différent des planches qui représentent ce qui s'y déroule. Sauf les trois premières planches qui s'y déroule, et publiées en avant-première dans le comic book intitulé The Sovereigns #0 (sorti en avril 2017) par l'éditeur américain IDW, et qui ne seront d'ailleurs pas reprise dans les cinq numéros de la mini-série. Peut-être qu'à ce moment-là, les auteurs n'avaient pas encore réfléchi à la question.
L'éditeur Casterman a donc publié cette mini-série en France, dans un recueil, sous une couverture dont j'aime beaucoup la charte graphique, et qui sera celle de sa collection, nommée : Paperback.
Traduite par Emmanuel Gros, et lettrée par Jean-François Rey, il apparaîtra à quiconque la lira que cette histoire était faite pour durer. Toutefois, sa fin, que je qualifierai « d'ouverte », tout aussi frustrante qu'elle soit, est néanmoins fort satisfaisante.
Et si je ne peux pas ne pas lui reprocher son manque d'ambition science-fictive, vu son sujet, Magnus est cependant un divertissement de qualité, joliment écrit et dessiné.
En effet Magnus surf sur des idées dont Isaac Asimov ou Philip K. Dick faisaient déjà leur quotidien il y a 70 ans. Notamment les « 3 lois de la robotique », qu'Asimov a popularisées, quand bien même l'idée venait du rédacteur en chef du pulp magazine Astounding Science-Fiction, Joseph W. Campbell. Une idée plutôt géniale dans les années 1940, mais qui aurait eu besoin d'être ajustée à notre XXIème siècle gorgé de code et autres « applis » . Surtout s'agissant d'une fiction sensée se dérouler en 2050.
Dommage que l'éditeur Casterman n'ait pas jugé utile de traduire cette couverture |
En outre, si cela était possible, cela voudrait dire que ces I.A. en question auraient acquis une véritable intelligence. Autrement dit qu'elles seraient rien de moins que des individus, dont cette programmation ferait, ni plus ni moins, des esclaves.
Ce dernier aspect est d'ailleurs abordé dans la version de Kyle Higgins et de Jorge Fornés, mais dans son versant plus sociale que scientifique. Les deux angles ne sont bien entendu pas incompatibles (au contraire). Mais privilégier une transposition de notre société contemporaine, sans prendre en compte les questions scientifiques qui y sont déjà en question, limite (forcément) le propos d'un récit de science-fiction.
Sans parler que ce type d'anticipation sociale, a déjà été l'objet de maints récits antérieurs.
Magnus - An 4000 n°4 (avril 1973) Éditions des Remparts |
Or donc, Kyle Higgins inverse la proposition de Manning, et fait de Magnus une psychologue capable de se rendre dans le « Cloud », substituant dans un moment afterpop [Pour en savoir +], que plébiscite notre époque (et que j'apprécie tout autant), au mâle alpha de 1963, une jeune femme tout aussi coriace. Mais aux vues diamétralement opposées.
Jorge Fornés au dessins, et le coloriste Chris O'Halloran, font un travail magnifique. Sur l'extrait ci-dessus on peut ainsi voir comment l'utilisation de la couleur et du cadrage devient un langage, que le lecteur comprend, capable de refléter l'état d'esprit d'un protagoniste. Le « Cloud » fait aussi l'objet de leur attention, en proposant un rendu différent des planches qui représentent ce qui s'y déroule. Sauf les trois premières planches qui s'y déroule, et publiées en avant-première dans le comic book intitulé The Sovereigns #0 (sorti en avril 2017) par l'éditeur américain IDW, et qui ne seront d'ailleurs pas reprise dans les cinq numéros de la mini-série. Peut-être qu'à ce moment-là, les auteurs n'avaient pas encore réfléchi à la question.
L'éditeur Casterman a donc publié cette mini-série en France, dans un recueil, sous une couverture dont j'aime beaucoup la charte graphique, et qui sera celle de sa collection, nommée : Paperback.
Traduite par Emmanuel Gros, et lettrée par Jean-François Rey, il apparaîtra à quiconque la lira que cette histoire était faite pour durer. Toutefois, sa fin, que je qualifierai « d'ouverte », tout aussi frustrante qu'elle soit, est néanmoins fort satisfaisante.
Et si je ne peux pas ne pas lui reprocher son manque d'ambition science-fictive, vu son sujet, Magnus est cependant un divertissement de qualité, joliment écrit et dessiné.
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