Accéder au contenu principal

Le Temps fut [Ian McDonald / Gilles Goullet / Aurélien Police]

Une histoire c'est comme l'instantané de quelque chose de plus vaste que ce qu'il fige. Son cadrage ne dit rien de ce qui s'est passé avant ou de ce qui arrivera. Il s'intéresse par la force des choses à l'une ou l'autre, mais pas à la totalité de ces choses.
Toutefois, celles qui forment l'arrière-plan et celles, plus floues, qui ne font que passer ; ajoutent implicitement à ce que dit cet éclat de temps.
La photographie en prose que nous propose ici Ian McDonald, si elle est plus longue qu'une nouvelle, est cependant plus courte qu'un roman. Comme n'importe quelle photographie, une histoire ne peut pas tout dire. McDonald dépasse cette contrainte pour en faire un choix, lequel fera justement la particularité de son texte.

Philadelphie, octobre 1943 Spitalfields, de nos jours ; Emmet Leigh, bouquiniste, déniche un recueil de poèmes contenant une lettre manuscrite.

            Le vingt-troisième tome de la collection Une Heure-Lumière™, dont la note d'intention prévoit que ses novellas soient lues d'une traite. Autrement dit vite. Ce vingt-troisième tome donc, est paradoxalement un récit qu'on peut vouloir faire durer.
« Ils sont arrivés comme des vautours, hésitant, rôdant, attirés par les phéromones des livres à l’agonie. ». Quand une histoire commence comme ça, je sais que quoi qu'il arrive, je vais prendre mon temps pour la lire. Mais Ian McDonald plus que Gilles Goullet* pour le coup, s'ingénie à fabriquer de l'impatience.
Et comme si cela ne suffisait pas, Le Temps fut se distingue également en ce qu'il occupe pour la majeur partie de son récit l'incertitude du Fantastique. Cette hésitation qui « ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel » (Cf. Tzvetan Todorov), imprègne durablement son développement. 

Entre hésitation et impatiente Le Temps fut captive avec une rare intensité, et une atmosphère à nulle autre pareille. 

Et, contre toute attente, surprend.

           Une surprise qui, nouveau paradoxe, risque de passer inaperçue, en ce qu'elle est cachée par une chute que d'aucuns verront venir de loin. La fin, qui n'en est pas une justement, on ne la verra pas. Elle est hors du cadre. Elle nous échappe. Mais elle ne peut pas ne pas être là : Le Temps fut.  

Une des réussites majeures d'un catalogue qui n'en manque pourtant pas.

Une novella qui, avec un temps d'avance, le sujet s'y prête, rejoint le Maki Project 2020©.
___________
*J'ai une position très claire sur le sujet. En ce qui me concerne, le traducteur est soit un co-auteur, soit un dialoguiste (cinéma, BD). Autrement dit une cheville ouvrière et artistique indispensable.  Et qui doit être reconnue en tant que telle.
Toutefois, quoi qu'il arrive, comme spécifié ici, l'intrigue est uniquement du ressort de l'auteur original.    

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Wheelman [Frank Grillo / Jeremy Rush]

En partie produit, et surtout entièrement cornaqué par War Party™, la société de production de J oe C arnahan & de F rank G rillo, et magistralement interprété par ce dernier ; « Wheelman 2017 » repose sur la règle des 3 unités du théâtre dit classique :  • Unité temps : Une nuit.  • Unité d'action : Une attaque à main armée ne se déroule pas comme prévue.  • Unité de lieu : Une BMW E46  Autrement dit, 98% du film se déroule dans une voiture avec seulement F rank G rillo au volant et à l’écran. Son personnage n'interagit avec l'extérieur quasiment que via un téléphone portable.              Tourné à Boston en seulement 19 jours, pour un budget légèrement supérieur à 5 millions de dollars, « Wheelman » est, au moment des comptes, une péloche dégraissée et bien relevée.  D'entrée de jeu les premières minutes donnent le ton : « l'homme au volant » du titre a été embauché pour être chauffeur lors d'un braquage à main armée. Divorcé, sa fille adolescente, d