Accéder au contenu principal

Cherudek [Valerio Evangelisti / Serge Quadruppani / Éric Vial]

 

Quatrième tome du cycle que consacre Valerio Evangelisti à Nicolas Eymerich (si on désire comme moi suivre les aventures de l’inquisiteur de manière chronologique), « Cherudek » est clairement une étape décisive en termes de complexité ; doublée d’une belle réussite. 
            Comme de coutume plusieurs époques ( ?) forment la trame de l’histoire, mais seule l’année 1360 est clairement identifiée comme telle. 
Les deux autres points de vue apparaissent successivement, et respectivement, dans les chapitres intitulés « Néghentropie » et « Temps zéro », lesquels seront numérotés (I), (II), etc., voire sous-titrés pour ce qui concerne les seconds. 
Au même titre que l’obscur « Cherudek », la signification de « Néghentropie » et de « Temps zéro » sera révélée au comble d'une intrigue trépidante. 
« Si certains célèbrent encore des cultes païens, votre devoir d’inquisiteur n’est pas de vous poser de vaines questions, mais de leur faire avouer les noms de leurs complices et de les traîner sur le bûcher. » 
Toutefois, les chapitres « Temps zéro » mentionnent deux indices (le RACHE, et le père Corona), dont la présence entre en contradiction apparente avec ce que j’avais jusque-là inféré des strates chronologiques des romans et nouvelles précédents « Cherudek ». 
            Ceci étant, le présent roman est celui qui évoque le plus ouvertement son appartenance à un courant littéraire qu’on appelle d’ordinaire, le Réalisme magique. C’est-à-dire un type de récits où un environnement très détaillé (chronologiquement, historiquement, etc.) et réaliste, est cependant envahi de perspectives ambiguës, d’étranges juxtapositions. Lesquelles suggèrent une réalité fantasmée, mais décrite sur un ton réaliste
Il ne s’agit donc pas d’un autre monde (les « mondes secondaires » de la Fantasy), mais de la révélation « magique » du nôtre. 
Du reste, le Réalisme magique - politiquement militant - œuvre contre les forces sociales dominantes à la manière d’une allégorie qui (dans le meilleur des cas) s’actualise « en temps réel ». Autrement dit, l’allégorie en question n’est pas une clef (représentation) qui convient à une serrure unique (évènement), mais un passe-partout méta-historique dont la pertinence n’a pas de date de péremption. 
Le Réalisme magique est hybride, baroque (entendu ici comme produisant une absence de vide), et maximisant la sensibilité du lecteur au mystère. 
Un programme tout ce qu'il y a de réjouissant, et que « Cherudek » honore, point par point.
            Arrivé ici au premier tiers du cycle, l’intérêt que je lui porte va croissant. Si chaque roman garde sa souveraineté propre, une cartographie plus vaste alimente dès à présent une cogitation très stimulante. Et une impatience grandissante entre chaque tome.
Il semblerait que l'éditions précédente souffrait d'une manque de relecture ; rien de tel a priori dans cette édition de La Volte™.  
Si vous ne connaissez pas encore cette série, n'hésitez pas à tenter l'aventure ; ce serait bien le diable si vous n'étiez pas satisfait !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Juste cause [Sean Connery / Laurence Fishburne / Ed Harris / Kate Capshaw]

« Juste Cause 1995 » est un film qui cache admirablement son jeu.             Paul Armstrong , professeur à l'université de Harvard (MA), est abordé par une vieille dame qui lui remet une lettre. Elle vient de la part de son petit-fils, Bobby Earl , accusé du meurtre d'une enfant de 11 ans, et qui attend dans le « couloir de la mort » en Floride . Ce dernier sollicite l'aide du professeur, un farouche opposant à la peine capitale.   Dès le départ, « Juste Cause 1995 » joue sur les contradictions. Ainsi, Tanny Brown , « le pire flic anti-noir des Everglades », dixit la grand-mère de Bobby Earl , à l'origine de l'arrestation, est lui-même un africain-américain. Ceci étant, tout le film jouera à remettre en cause certains a priori , tout en déconstruisant ce que semblait proposer l'incipit du film d' A rne G limcher. La déconstruction en question est ici à entendre en tant que la mise en scène des contradictions de situations dont l'évidence paraît pour

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" ( M ich