... Où il est question d'une décision importante qui orientera la vie de Robert Bloch.
... J'étais un fanatique de Weird Tales. Ma drogue à moi, ce n'était pas le L.S.D. ... c'était H.P.L.... Évidemment, le numéro que j'achetais ne contenait pas toujours une nouvelle de Lovecraft. En vérité, très peu d'histoires écrites de sa plume parurent durant cette période. Mais chaque mois, dans le courrier des lecteurs du magazine, je relevais des références à des histoires publiées avant ma découverte de H.P.L. Malheureusement, les numéros correspondants étaient épuisés.
... Le fait de lire des jugements élogieux sur ces récits introuvables me mettait au supplice. Finalement, n'y tenant plus, torturé par un désir effréné qui ne me laissait pas de répit, je m'installais pour écrire ma première lettre de fan à M. Lovecraft, aux bons soins du magazine. Dans ma lettre, je demandais à l'auteur si, par hasard, il ne pouvait m'indiquer un moyen de me procurer les numéros contenant les nouvelles qui me manquaient.... L'année 1933 ne fut pas précisément mirobolante pour la plupart des habitants de ce monde tourmenté par la Dépression, mais la chance me favorisa.... Lovecraft répondit à ma lettre. Il m'informait qu'il était sur le point de déménager de son appartement du 10 Barnes Street, et qu'il avait récemment fait l'inventaire de sa bibliothèque. Il m'envoyait une liste complète de ses œuvres publiées, en déclarant qu'il serait très heureux de me prêter celles qui m'intéressaient. Il joignait également une liste des livres fantastiques qu'il possédait ; si je le désirais, je pourrais par la même occasion lui emprunter ces ouvrages. ... Sa réponse était datée du 22 avril 1933. A compter de ce jour, une nouvelle vie commença pour moi.
... Je ne m'étendrai pas ici sur sa gentillesse ; qu'il me suffise de dire que sa lettre éblouit le jeune garçon, simple et naïf, qui déjà idolâtrait ce grand auteur - lequel, dans mon esprit, menait une existence brillante et passionnante à l'autre bout du pays, dans l'Est.... A partir de ce moment-là, je correspondis avec H.P.L. jusqu'à sa mort, en 1937. Dans ses lettres, il me poussa à prendre contact avec d'autres écrivains et des membres de ce qui, par la suite, devait être connu sous le nom de "Cercle Lovecraft" : Clark Ashton Smith, Henry S. Whitehead, Long, Wandrei, August Derleth, J. Vernon Shea, Robert Barlow, Bernard Austin Dwyer, Willis Conover et bien d'autres. Mais c'était Lovecraft qui m'importait et ce fut Lovecraft qui - au bout de sa quatrième ou cinquième lettre - me suggéra d'écrire des histoires fantastiques de mon cru. Si je m'y décidais - ajouta-t-il - il se ferait un plaisir de lire mes essais et de me dispenser critiques et conseils.... Je ne me fis pas prier d'avantage. J'écrivis, il lut ... et ne formula aucune critique. Au lieu de cela, il me prodigua ce dont j'avais le plus besoin à ce moment-là : des compliments et des encouragements. Il me fit des suggestions constructives, infiniment profitables, en s'arrangeant toujours pour les présenter de manière à me remonter le moral.... Mes parents approuvèrent, mais certains autres à qui je montrai mes premières œuvres n'eurent pas des réactions aussi flatteuses. Mon professeur d'anglais, s'il admirait mes dissertations, n'apprécia que modérément mes histoires fantastiques, et il manifesta ouvertement sa réprobation lorsque j'exprimai devant la classe mon estime pour un écrivaillon de pulp-magazine. August Derleth, qui devint l'un de mes correspondants réguliers, lut quelques-unes de mes premières nouvelles et, un jour, alla jusqu'à me dire que je ne présentait aucune disposition pour le métier d'écrivain. Enfin mes premiers récits achevés - Lilies, La Grimace de la Goule et Le Lotus Noir - furent refusés sans appel par Farnsworth Wright, le rédacteur en chef de Weird Tales.... Mais l'intérêt et l'inspiration de Lovecraft m'encouragèrent à poursuivre. Et quand je quittai le lycée, en juin 1934, ce furent cet intérêt et cette inspiration qui décidèrent de mon avenir.... Pourtant, à cette sombre époque, il ne semblait pas y avoir beaucoup d'avenir pour un garçon de dix-sept ans. il n'y avait pas d'emploi pour les jeunes sans expérience ; et il était impossible, sans emploi, d'acquérir de l'expérience. on pouvait s'engager dans le Civilian Conservation Corps, qui réalisait un projet fédéral consistant à construire des routes et des barrages dans les forêts du nord. cela s'apparentait au travail à la chaîne, et ça rapportait exactement trente dollars par mois - salaire dont il fallait envoyer la moitié à se parents. ce fut le seul poste disponible que je pus trouver ; pour une raison ou pour une autre, ça ne me tenta pas.... Ayant le choix entre travailler ou mourir de faim, je résolus de combiner les deux en devenant écrivain.
(À suivre ....)
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