•••• Jonathan Hickman utilise pour sa nouvelle série, prévue en (au moins) 12 numéros, le phénomène, bien connu des lecteurs de science-fiction, dit de la réification. Quand bien même Black Monday Murders tient-elle plus du fantastique que de la SF.
Pour le dire autrement, il n'est plus question ici d'interprétations symboliques ou allégoriques des métaphores, mais de les prendre au pied de la lettre, et d'en faire des situations concrètes. Matérielles.
Ainsi l'idée nietzschéenne que « Dieu est mort » devient-elle tellement concrète, dans le cas d'une réification, que son corps est trouvé flottant dans l'océan. Il faudra donc le remorquer au-delà du cercle polaire, pour empêcher qu'il ne se décompose [En remorquant Jéhovah/James Morrow]. C'est cette inversion du point de vue qui provoque (ou devrait provoquer) la sidération cognitive des lecteurs.
Laquelle commence dès la couverture du recueil de la série, qu'il faut prendre au 1er degré.
Fort de cette idée, Jonathan Hickman limite les expérimentations formelles de son récit. Pour faire court disons que Black Monday Murders n'est ni Nightly News ni Pax Romana en termes d'expérience de lecture.
Le scénariste s'inspire plutôt du travail du Carbone 14™ en la matière, autrement dit : John Dos Passos. À la manière d'Eric Stephenson sur Nowhere Men, série à laquelle j'ai consacré un billet de critique créative, et dans lequel je reviens sur cet aspect précis du découpage [Pour en savoir +], il insère dans la narration des ruptures (composées de rapport, de dossiers, d'extraits de journaux intimes, etc.).
Hickman préfère manifestement laisser les coudés franches à son dessinateur, Tomm Coker. Et il a raison.
Ses planches, très figuratives, très travaillées sont d'une limpidité biblique (dans le sens métaphorique du terme pour le coup). Son dessin est une ancre qui accentue la sidération cognitive dont je parlais, en tant qu'il produit un écart en rendant d'autant plus concret et réaliste ce qui se déroule dans l'histoire. Bluffant !!!
Si la page ci-dessus, montre toute l'étendu du talent de Tomm Coker, elle donne aussi un aperçu des techniques d'encrage qu'il utilise ; difficile d'en faire plus.
Ce qui rendait d'autant plus difficile la tâche de son coloriste, Michael Garland.
Eh bien contre toute attente, celui-ci s'en sort non seulement avec les honneurs, mais je doute que Black Monday Murders aurait eu un impact si grand sur moi, sans son travail. La série est d'abord et avant une question d'ambiance, d’atmosphère, et de côté-ci du spectre artistique Michael Garland y complète le travail -déjà considérable- de Coker d'une façon magistrale.
À dire vrai, si je suis très enthousiaste quant aux idées que manipule Hickman, je ne crois pas que Black Monday Murders serait la réussite qu'elle est (à mes yeux en tout cas) sans Tomm Coker et Michael Garland.
Un autre artiste est aussi à la manœuvre pour faire de ce premier tome, un petit chef d’œuvre : Rus Wooton, le lettreur américain.
Déjà titulaire d'un poste qui passe souvent à l'as, la traduction n'arrange rien à l'affaire. Mais vous pouvez me croire sur parole son travail est tout aussi indispensable.
Cela dit, Moscow*Eye, son homologue français, n'a pas à rougir de la comparaison. Son travail est très fidèle à celui de Wooton. Indispensable bien évidemment, la traduction de Maxime Le Dain. Traducteur est souvent un poste dont on dit que si le travail est bien fait, on ne doit pas le remarquer. Pourquoi pas. Néanmoins on peut aussi ne pas les oublier.
•••• En un mot comme en cent, Black Monday Murders est ma lecture du mois, voire de l'année. Et en parlant de dates, sachez que ce recueil de 240 pages (mais de seulement 4 numéros mensuels étasunien) est vendu au prix de 10 euros jusqu'au 29 juin 2018.
En outre, je crois que c'est une belle porte d'entrée pour ceux qui voudraient faire connaissance avec le travail de Jonathan Hickman. Et a ce prix-là, c'est cadeau !
Plus abordable que Pax Romana ou Nightly News, plus personnelle que les Avengers ou les Fantastic Four ; la série Black Monday Murders conjugue avec bonheur le thriller fantastique, le whodunit, les théories du complot, et la paranoïa post-guerre froide. Laquelle n'a rien à envier à celle d'avant le Rideau de fer©.
Une bédé notée Triple A !
____________
Je doute qu'il me lise, mais je voudrais remercier Serge Lehman, qui m'a, au travers de son travail de théoricien de la SF, apporté les idées m'ayant permis de proposer l'angle de lecture selon la réification des métaphores.
Pour le dire autrement, il n'est plus question ici d'interprétations symboliques ou allégoriques des métaphores, mais de les prendre au pied de la lettre, et d'en faire des situations concrètes. Matérielles.
Ainsi l'idée nietzschéenne que « Dieu est mort » devient-elle tellement concrète, dans le cas d'une réification, que son corps est trouvé flottant dans l'océan. Il faudra donc le remorquer au-delà du cercle polaire, pour empêcher qu'il ne se décompose [En remorquant Jéhovah/James Morrow]. C'est cette inversion du point de vue qui provoque (ou devrait provoquer) la sidération cognitive des lecteurs.
Laquelle commence dès la couverture du recueil de la série, qu'il faut prendre au 1er degré.
Fort de cette idée, Jonathan Hickman limite les expérimentations formelles de son récit. Pour faire court disons que Black Monday Murders n'est ni Nightly News ni Pax Romana en termes d'expérience de lecture.
Le scénariste s'inspire plutôt du travail du Carbone 14™ en la matière, autrement dit : John Dos Passos. À la manière d'Eric Stephenson sur Nowhere Men, série à laquelle j'ai consacré un billet de critique créative, et dans lequel je reviens sur cet aspect précis du découpage [Pour en savoir +], il insère dans la narration des ruptures (composées de rapport, de dossiers, d'extraits de journaux intimes, etc.).
Hickman préfère manifestement laisser les coudés franches à son dessinateur, Tomm Coker. Et il a raison.
Ses planches, très figuratives, très travaillées sont d'une limpidité biblique (dans le sens métaphorique du terme pour le coup). Son dessin est une ancre qui accentue la sidération cognitive dont je parlais, en tant qu'il produit un écart en rendant d'autant plus concret et réaliste ce qui se déroule dans l'histoire. Bluffant !!!
Si la page ci-dessus, montre toute l'étendu du talent de Tomm Coker, elle donne aussi un aperçu des techniques d'encrage qu'il utilise ; difficile d'en faire plus.
Ce qui rendait d'autant plus difficile la tâche de son coloriste, Michael Garland.
Eh bien contre toute attente, celui-ci s'en sort non seulement avec les honneurs, mais je doute que Black Monday Murders aurait eu un impact si grand sur moi, sans son travail. La série est d'abord et avant une question d'ambiance, d’atmosphère, et de côté-ci du spectre artistique Michael Garland y complète le travail -déjà considérable- de Coker d'une façon magistrale.
À dire vrai, si je suis très enthousiaste quant aux idées que manipule Hickman, je ne crois pas que Black Monday Murders serait la réussite qu'elle est (à mes yeux en tout cas) sans Tomm Coker et Michael Garland.
Un autre artiste est aussi à la manœuvre pour faire de ce premier tome, un petit chef d’œuvre : Rus Wooton, le lettreur américain.
Déjà titulaire d'un poste qui passe souvent à l'as, la traduction n'arrange rien à l'affaire. Mais vous pouvez me croire sur parole son travail est tout aussi indispensable.
Cela dit, Moscow*Eye, son homologue français, n'a pas à rougir de la comparaison. Son travail est très fidèle à celui de Wooton. Indispensable bien évidemment, la traduction de Maxime Le Dain. Traducteur est souvent un poste dont on dit que si le travail est bien fait, on ne doit pas le remarquer. Pourquoi pas. Néanmoins on peut aussi ne pas les oublier.
•••• En un mot comme en cent, Black Monday Murders est ma lecture du mois, voire de l'année. Et en parlant de dates, sachez que ce recueil de 240 pages (mais de seulement 4 numéros mensuels étasunien) est vendu au prix de 10 euros jusqu'au 29 juin 2018.
En outre, je crois que c'est une belle porte d'entrée pour ceux qui voudraient faire connaissance avec le travail de Jonathan Hickman. Et a ce prix-là, c'est cadeau !
Plus abordable que Pax Romana ou Nightly News, plus personnelle que les Avengers ou les Fantastic Four ; la série Black Monday Murders conjugue avec bonheur le thriller fantastique, le whodunit, les théories du complot, et la paranoïa post-guerre froide. Laquelle n'a rien à envier à celle d'avant le Rideau de fer©.
Une bédé notée Triple A !
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Je doute qu'il me lise, mais je voudrais remercier Serge Lehman, qui m'a, au travers de son travail de théoricien de la SF, apporté les idées m'ayant permis de proposer l'angle de lecture selon la réification des métaphores.
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