Fort heureusement, Warren Ellis vient, avec la novella dont il va être question ici, de me reconnecter avec ce sentiment -inégalé- de malaise et de paranoïa propre au Village et à la Guerre froide.
Si Normal, un peu moins de 200 pages au compteur, m'a évoqué cette vieille série télévisée, le propos d'Ellis est pourtant l'exact contraire d'une réminiscence passée.
En effet, obnubilé* par le futur, le quinquagénaire natif de l'Essex en fait un objet de hantise. Sentiment, cela dit, assez unanimement partagé.
De fait, qui n'a jamais eu peur de l'avenir !?
Si le fantastique a, en très grande partie, bâti son succès sur les châteaux et autres lieux hantés par un passé qui -justement- ne passait pas, Warren Ellis construit (d'une manière que je vous laisse découvrir) a contrario son roman sur un futur anxiogène. Lequel, tel un spectre, vient hanter une tripotée d'individus (travailleurs associatifs, designers, prospectivistes, espions), dont Adam Dearden internés avec eux à « Normal Head », en Oregon.
Cet astucieux pied de nez à l'une des pierres angulaires du fantastique, la maison hantée donc, est aussi l'occasion pour Warren Ellis d'imaginer toute une théorie de personnages qu'il vaut mieux ne rencontrer que par l'intermédiaire de sa novella.
Laquelle, soit-dit en passant a, à l'origine, été diffusée en quatre livraisons sur la Toile mondiale. Ceux qui liront ladite novella comprendront où je veux en venir.
•••• Autant par inclination qu'à cause d'un agenda surbooké, Warren Ellis choisit la forme brève, mais pas trop, et y trouve un terrain d'expression idéal.
Unité de lieu, unité de temps, unité d'action ; sous couvert de classicisme Ellis introduit pourtant dans l'imaginaire collectifs une idée qui fera date. Car le futur dont il est question ici, n'utilise aucun des artifices dont il est coutumier, pour inspirer un sentiment d'épouvante sur ceux qui y sont exposés.
Tendu, Normal se lit avec la promptitude de celui qui veut savoir de quoi demain sera fait, même s'il doit s'en mordre les doigts. Corrosif et revigorant !
Cette critique fait partie du CHALLENGE SUMMER SHORT STORIES OF SFFF - Saison 4 !
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* Voir aussi, au sujet du futur en tant que moteur diégétique et personnage à part entière, sa série de bande dessinée Injection. Surtout le premier tome [Pour en savoir +], dont Normal est -à mon avis- l'indispensable adjuvant. Et vice versa.
Sous l'impulsion de ta sémillante glose, je me suis précipité sur Normal dont je viens d'achever la première partie. Conquis à ce stade autant par la rapidité à laquelle l'histoire défile que par le sens de la formule acéré de Warren Ellis, avec cette capacité qu'il a de synthétiser des idées complexes par des mots d'une précision rare - réduire l'ensemble des stimulus extérieurs pesants que constituent les réseaux sociaux et l'internet au "signal" que l'on reçoit est d'une clarté foudroyante -, le séjour qui s'annonce entre les murs de Normal Head promet bien des émotions. Bien joué!
RépondreSupprimerMerci pour la "sémillante prose" [-_ô].
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