•••• Lorsque John Ridley écrit un album de BD - entendez un récit conçu et publié directement sous cette forme et non pas sous celle de plusieurs mensuels comme il est courant de le faire aux U.S.A. - pour l’éditeur DC Comics, il est déjà un véritable couteau suisse de l’entertainment, que sa réputation précède.
L’un de ses romans a été adapté par Oliver Stone (U Turn/1997), il a également déjà écrit le scénario de Les Rois du désert avec George Clooney, et il fait partie de l'équipe des scénaristes de la série télévisée New York 911, pour ne citer que certaines de ses activités les plus en vue.
Bref un CV tout ce qu’il y a de plus engageant, et qui s'est encore étoffé depuis.
…. Humains malgré tout, l’album dont il est question ici, s’insère dans la franchise créée par Warren Ellis & Bryan Hitch en 1999 pour l’éditeur WildStorm, devenu la propriété, depuis 1998, d'une autre maison d'édition DC Comics.
Avec cette série, intitulée The Authority, Warren Ellis amena un nouveau type de super-héros, fruit de l’improbable rencontre entre l’idéologie managériale - ce sont des super-héros proactifs - et une sorte d’anarchisme pris au pied de la lettre puisqu’ils ne se reconnaissent « ni dieu ni maître », selon la formule consacrée.
Dans une certaine mesure, The Authority est un groupe de super-héros qui dira en substance : « la démocratie est pourrie, je ne peux plus compter sur la puissance publique – corrompue et inefficace – je vais donc me débrouiller tout seul. »
Cette équipe s’arroge ainsi le droit de composer sa propre morale puisqu'elle ne croit plus aux outils de l’intérêt général. Si la démocratie est un instrument ringard, vive l’antisystème ; ce qui ne les empêchera pas de prendre le pouvoir et d’installer l'un des leurs - Jack Hawksmoor - dans le « bureau ovale », mais ceci est une autre histoire [Pour en savoir +].
Mais The Authority ne fait pas partie d’une génération spontanée, il est selon moi, le digne héritier de Watchmen, l’une des plus influentes histoires de la bande dessinée mainstream étasunienne.
En effet, entre 1986 et 1987 Alan Moore & Dave Gibbons mettaient en scène des super héros dont l’heure de gloire était passée : désabusés, ivrognes, tueurs, ou au-dessus des contingences humaines. Mais surtout, les membres de Watchmen agissaient chacun en fonction de leur définition du Bien.
Une définition non plus collective, mais individuelle.
Warren Ellis formait, 12 ans plus tard, un groupe sur les mêmes bases - individualités marquées et nihilisme - là où Moore éclatait l’unité du sien. Un signe des temps ?
D’entrée de jeu John Ridley confronte sa propre équipe à un adversaire qui joue dans la catégorie mythologique, manière de l’installer dans la cours des grands, non sans lui avoir donné un peu avant l’occasion de rabaisser le caquet à l’un des plus puissants chefs d’état de la planète. Bref en quelques pages il pose ses personnages – des gros calibres qui font ce qui leur plaît - et introduit plusieurs bonnes idées dont un maître ès arts martiaux, et un ancien membre de feu Stormwatch – l’équipe sur les cendres de laquelle Warren Ellis a bâti son propre groupe – nommé Jackson King alias Battalion.
La curiosité et le plaisir de lire une histoire intéressante durera 80 planches sur 99, ce qui n’est pas si mal.
Seulement, les dernières pages, très en deçà des promesses que laissaient attendre le CV du scénariste et le début de son histoire, achèvent de ternir l’intérêt de ces 80 premières pages, et de rater le carré de l’apothéose.
Ainsi, la solution proposée au problème auquel se confronte The Authority, pourtant inattendue et originale, apparaît comme un deus ex machina du plus mauvais effet. Dommage !
Invité à jouer avec des personnages qui ne lui appartiennent pas, John Ridley, que l’on devine tout ce qu’il y a de plus urbain (vu ce qu’il en fait), les range bien sagement avant de partir. Attention louable, mais dont les répercussions compte tenu des enjeux, terminent de gâcher le meilleur de son travail : Tout ça pour ça ?!
Le charme rompu, les faiblesses de certains de ses propres personnages sautent alors aux yeux, et l’usage qu’il fait d’une ancienne connaissance, qui tombe comme « une douille vide » une fois sa mission accomplie, est très frustrant.
•••• Si Humains malgré tout n’est pas une mauvaise histoire elle est très en dessous de ce que je pouvais en attendre. Ben Oliver, le dessinateur de l’album, n’arrive pas à sauver les meubles quand bien même l'aurait-il voulu.
Son dessin, bien trop dépouillé, que ne parvient pas à minimiser la colorisation de Wendy Broome & Randy Mayor, n’arrange pas les affaires d’un scénario qui souffre au final de la même vacuité.
Un album pour les completistes, ou les curieux (traduit par Jérémy Manesse et lettré par RAM), qui propose à ce titre un bel historique de l’équipe de trois pages de rédactionnel, écrit par Olivier Jalabert.
______________
*Et à plus forte raison la base du scénario de Captain America : Civil war.
L’un de ses romans a été adapté par Oliver Stone (U Turn/1997), il a également déjà écrit le scénario de Les Rois du désert avec George Clooney, et il fait partie de l'équipe des scénaristes de la série télévisée New York 911, pour ne citer que certaines de ses activités les plus en vue.
Bref un CV tout ce qu’il y a de plus engageant, et qui s'est encore étoffé depuis.
…. Humains malgré tout, l’album dont il est question ici, s’insère dans la franchise créée par Warren Ellis & Bryan Hitch en 1999 pour l’éditeur WildStorm, devenu la propriété, depuis 1998, d'une autre maison d'édition DC Comics.
Avec cette série, intitulée The Authority, Warren Ellis amena un nouveau type de super-héros, fruit de l’improbable rencontre entre l’idéologie managériale - ce sont des super-héros proactifs - et une sorte d’anarchisme pris au pied de la lettre puisqu’ils ne se reconnaissent « ni dieu ni maître », selon la formule consacrée.
Dans une certaine mesure, The Authority est un groupe de super-héros qui dira en substance : « la démocratie est pourrie, je ne peux plus compter sur la puissance publique – corrompue et inefficace – je vais donc me débrouiller tout seul. »
Cette équipe s’arroge ainsi le droit de composer sa propre morale puisqu'elle ne croit plus aux outils de l’intérêt général. Si la démocratie est un instrument ringard, vive l’antisystème ; ce qui ne les empêchera pas de prendre le pouvoir et d’installer l'un des leurs - Jack Hawksmoor - dans le « bureau ovale », mais ceci est une autre histoire [Pour en savoir +].
Mais The Authority ne fait pas partie d’une génération spontanée, il est selon moi, le digne héritier de Watchmen, l’une des plus influentes histoires de la bande dessinée mainstream étasunienne.
En effet, entre 1986 et 1987 Alan Moore & Dave Gibbons mettaient en scène des super héros dont l’heure de gloire était passée : désabusés, ivrognes, tueurs, ou au-dessus des contingences humaines. Mais surtout, les membres de Watchmen agissaient chacun en fonction de leur définition du Bien.
Une définition non plus collective, mais individuelle.
Warren Ellis formait, 12 ans plus tard, un groupe sur les mêmes bases - individualités marquées et nihilisme - là où Moore éclatait l’unité du sien. Un signe des temps ?
D’entrée de jeu John Ridley confronte sa propre équipe à un adversaire qui joue dans la catégorie mythologique, manière de l’installer dans la cours des grands, non sans lui avoir donné un peu avant l’occasion de rabaisser le caquet à l’un des plus puissants chefs d’état de la planète. Bref en quelques pages il pose ses personnages – des gros calibres qui font ce qui leur plaît - et introduit plusieurs bonnes idées dont un maître ès arts martiaux, et un ancien membre de feu Stormwatch – l’équipe sur les cendres de laquelle Warren Ellis a bâti son propre groupe – nommé Jackson King alias Battalion.
La curiosité et le plaisir de lire une histoire intéressante durera 80 planches sur 99, ce qui n’est pas si mal.
Seulement, les dernières pages, très en deçà des promesses que laissaient attendre le CV du scénariste et le début de son histoire, achèvent de ternir l’intérêt de ces 80 premières pages, et de rater le carré de l’apothéose.
Ainsi, la solution proposée au problème auquel se confronte The Authority, pourtant inattendue et originale, apparaît comme un deus ex machina du plus mauvais effet. Dommage !
Invité à jouer avec des personnages qui ne lui appartiennent pas, John Ridley, que l’on devine tout ce qu’il y a de plus urbain (vu ce qu’il en fait), les range bien sagement avant de partir. Attention louable, mais dont les répercussions compte tenu des enjeux, terminent de gâcher le meilleur de son travail : Tout ça pour ça ?!
Le charme rompu, les faiblesses de certains de ses propres personnages sautent alors aux yeux, et l’usage qu’il fait d’une ancienne connaissance, qui tombe comme « une douille vide » une fois sa mission accomplie, est très frustrant.
•••• Si Humains malgré tout n’est pas une mauvaise histoire elle est très en dessous de ce que je pouvais en attendre. Ben Oliver, le dessinateur de l’album, n’arrive pas à sauver les meubles quand bien même l'aurait-il voulu.
Son dessin, bien trop dépouillé, que ne parvient pas à minimiser la colorisation de Wendy Broome & Randy Mayor, n’arrange pas les affaires d’un scénario qui souffre au final de la même vacuité.
Un album pour les completistes, ou les curieux (traduit par Jérémy Manesse et lettré par RAM), qui propose à ce titre un bel historique de l’équipe de trois pages de rédactionnel, écrit par Olivier Jalabert.
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*Et à plus forte raison la base du scénario de Captain America : Civil war.
Voilà une présentation qui tombe à pic. Je viens de finir les 2 tomes d'American Way du même John Ridley que j'ai trouvé bien tournés. Le parallèle avec cette histoire que tu décris fait apparaître qu'il a également choisi la même approche : celle de conserver l'action salvatrice du héros, plutôt que de passer à un autre modèle, comme Alan Moore dans Watchmen.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup The Authority mais n'ai jamais lu cette histoire-ci.
RépondreSupprimerTu viens cependant de doucher mon enthousiasme à la lire, Artemus...