Accéder au contenu principal

Batman : Fortress [Gary Whitta / Darick Robertson / Diego Rodriguez / Simon Bowland]

Je lis de la bande dessinée américaine depuis presque 50 ans. J'ai eu des périodes plus ou moins intenses, et ces dernières années sont certainement les moins intenses de toutes celles que j'ai connues. Du moins en termes de lecture de nouveautés.
            En effet les éditeurs français ont décidé de se pencher sur certaines séries du patrimoine qui n'avaient pas trouvé de lectorat suffisant en France, par exemple Nexus (chez Délirium™) ou Savage Dragon (chez Black & White™), voire qu'on n'avait tout simplement pas testé : Madman est annoncé chez Huginn & Muninn™, et les éditions Reflexions™ propose le premier tome de The Maxx. On a même eu droit à un fort recueil d'American Flagg chez Urban Comics™, reste plus qu'a voir arriver la série GrimJack en version française.
Bref. Si je lis de la BD U.S. elle appartient au passé.
Les séries actuelles, mais surtout leur scénaristes, ne m'emballent pas du tout.
            Néanmoins, je surveille plus ou moins ce qui sort, avec une nette préférence pour les mini-séries, de scénaristes inconnus ; surtout chez les éditeurs mineurs.
Bien évidemment « Batman : Fortress » n'est pas paru chez un de ces éditeurs, mais cette mini-série de 8 numéros est écrite par Gary Whitta un parfait inconnu en ce qui me concerne. Elle est aussi dessinée par Darick Robertson, un dessinateur dont j'apprécie le travail. Alors pourquoi pas !?
            L'accroche de l'histoire est assez simple : Whitta imagine une menace qui d'ordinaire aurait fait le quatre-heures de Superman, ou d'un super-héros de ce calibre, voire de la JLA au complet. Manque de chance il n'y a que le justicier masqué de Gotham pour s'y coller.
Or donc, l'arrivée de belliqueux extraterrestres plonge la planète dans une panne d’électricité générale, un « black-out » qui touche bien évidemment Gotham.
Gary Whitta semble avoir fait ses devoirs, et tous les personnages du répertoire gothamite sont là : Alfred, le commissaire Gordon, l'inspecteur Bullock, le Pingouin, le Joker, une ou deux références à l'apax existentielle du Caped Crusader, on dirait bien qu'on joue sur du velours.
Hormis que Gary Whitta semble ignorer la « règle » de Mort Weisinger : pas plus de 35 mots par case, et surtout jamais plus de 25 mots par bulle, ce premier numéro semble épouser ce qui caractérise tous les premiers numéros : une longue exposition, souvent ennuyeuse.
Eh bien pas du tout, à la quatorzième page Gary Whitta donne à voir une facette très surprenante de la personnalité de Batman.
            Alors qu'il vient de quitter le commissaire Gordon il surprend - par hasard - des pillards en train de voler dans des magasins ; des vitrine sont brisées, des incendies se propagent, et l'un des émeutiers brandit un écran de télévision, sur l'emballage duquel on peut lire « Wayne Technologies ». 
Et Batman de regarder tout cela sans broncher en monologuant intérieurement sur le Rêve américain®, devenu un attrape-nigaud Bling-Bling© à propos duquel il ne faut pas s'étonner qu'il fasse envie. En tout cas ne comptez pas sur sur lui pour en empêcher qui que ce soit de se servir. Si le Rêve américain® c'était mieux avant, que dire de ce « nouveau » Batman ?  
Mais finalement l'explication de Gary Whitta sera encore pire que de voir Batman quitter les lieux d'une émeute où l'on se livre au vol, où des innocents peuvent être pris à parti, voir peuvent périr brûlés ou asphyxiés par les incendies, sans intervenir. Car après avoir fini ce premier numéro j'ai voulu savoir qui était Gary Whitta. Mais je n'en avais pas terminé avec les surprises dudit numéro.
            En effet, par hasard - toujours - Batman tombe (littéralement) sur d'autres voies de fait, dont deux tentatives de meurtres, et sur le Joker. Rassurez-vous, là, il intervient.
Cela dit je ne sais pas si c'est si rassurant.
Ainsi arrête-t-il le Joker, alors au volant d'un bus scolaire en l'éblouissant, le bus manque de basculer dans le vide, et sa Némésis passe à travers le pare-brise. Manifestement la sécurité des enfants transportés ne compte pas beaucoup au yeux de ce Batman made in Whitta.
Mais ça ne s'arrête pas là, Batman caresse l'idée, dans un de ses monologues que semble affectionner son scénariste, de laisser le Joker faire une chute fatale. 
Manifestement Batman exprime dans ce premier numéro un rapport pour la vie d'autrui plutôt ambiguë. Risquer celle des enfants n'apparaît pas le gêner du moment qu'il peut arrêter le Joker. Il envisage même de le laisser mourir.
La préservation du bien d'autrui ne fait pas partie de ses prérogatives : « il y a des assurances pour ça ». Il fustige la société d'avoir transformé le Rêve américain® en distraction mercantiles. Mais n'oublie d'offrir à Alfred un t-shirt « I Survived the Blackout - Gotham », ni de protéger sa propre maison contre des cambrioleurs. N'est-il pas assuré ?
          Or donc, je me suis penché sur la biographie professionnelle de Gary Whitta par curiosité, et les moteurs de recherche étant ce qu'ils sont, j'ai pu me rendre compte que la page sur les émeute qui m'avait tant surpris, n'avait pas surpris que moi.
Ce qui a obligé Gary Whitta à s'expliquer sur le choix de laisser des émeutier piller et incendier des magasins à proximité de logements, sans que Batman ne lève le petit doigt.  
À l'évidence qu'on puisse s'interroger place celui qui le fait à droite de l'échiquier politique. Cette négativité d'une partie du lectorat (de droite donc) est à ses yeux, se rengorge-t-il, positive.
Car, dit-il sur Twitter©, Batman (en laissant donc les pillards se servir) donne à voir qu'il a, je cite « une conscience politique ».
Si je comprends bien, profiter d'une panne électrique générale pour s'adonner au pillage et à l'incendie volontaire est un acte politique, et refuser d'intervenir prouve que vous avez une conscience tout aussi politique.
Il explique en outre, que si Batman n'intervient pas lors des pillages c'est qu'il va sauver les enfants du bus scolaire, kidnappés par le Joker. Son explication de « conscience politique » tient si peu la route (sic) à ses propres yeux qu'il en invoque une autre, tout aussi bancale. C'est en effet par hasard que Batman intervient, et je l'ai dit, avec beaucoup de désinvolture, vis à vis de la sécurité des jeunes passagers.  
            Donc si je comprends bien, la « conscience politique » de Batman c'est un peu comme la « conscience cosmique » du Captain Marvel, elle lui confère une connaissance exhaustive des événements en cours à Gotham.
            Mon cher Gary je suis au regret de vous dire que ma « conscience comics » m'enjoint de vous éviter vous, vos scénarios bidons et vos explications du même tonneau. Le Rêve américain® a en effet du plomb dans l'aile, et manifestement vous n'êtes pas à court de munitions. 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Big Wednesday (John Milius)

Une anecdote circule au sujet du film de J ohn M ilius, alors qu'ils s’apprêtaient à sortir leur film respectif ( La Guerre des Etoiles , Rencontre du Troisième Type et Big Wednesday ) G eorge L ucas, S teven S pielberg et J ohn M ilius  auraient fait un pacte : les bénéfices de leur film seront mis en commun et partagés en trois. Un sacré coup de chance pour M ilius dont le film fit un flop contrairement aux deux autres. Un vrai surfeur ne doit pas se laisser prendre au piège de la célébrité  Un vrai surfeur ne doit pas se sentir couper des siens. Il ne doit pas courir derrière les dollars, ni gagner toutes les compétitions. [..] M idget F arrelly champion du monde de surf 1964  ... Big Wednesday est l'histoire de trois jeunes californiens dont la vie est rythmée par le surf ; on les découvre en pleine adolescence au cours de l'été 1962, et nous les suivrons jusqu'à un certain mercredi de l'été 1974.   L'origine du surf se perd dans la nuit des