Si je n'aime rien plus que d'avoir un éclairage érudit sur les fictions qui m'intéressent (voire sur celles qui ne m'intéressent pas), je suis souvent amusé du peu de recul dont disposent les sachants lorsqu'ils décident d'en parler. Et parfois les journalistes.
Ainsi en est-il d'un article paru dans l'hebdomadaire Le Point™, en date du 5 mai 2022. Il s'intéresse à Northman, le film de Robert Eggers, dont la sortie en salle est prévue le 11 mai prochain.
Philippe Guedj, qui rédige l'article pour le magazine, indique que la production dudit long-métrage s'est entourée d'acteurs prestigieux, ce qui est un très bon début. Et surtout de plusieurs spécialistes - gage certainement d'une volonté d'authenticité ; dont une spécialiste islandaise en littérature médiévale et un archéologue britannique.
Néanmoins Philippe Guedj semble aussi apprécier tout ce que le film véhicule comme stéréotypes.
Ce qui n’est pas le cas d'un professeur d'histoire médiévale (français) invité à donner son avis.
Ce dernier ne cache pas en effet, avoir fait la « moue à la vision de la bande-annonce » du film, comme nous le rapporte l'article.
Par ailleurs, il y est précisé que Robert Eggers est un « fétichiste » des croyances, des chants, de l'immense beauté des paysage, et de « la brutalité des mœurs » des Vikings. Oh pardon, vikings, avec une minuscule puisque « viking » est une activité, et non un peuple comme on le croit encore naïvement. Nous voilà prévenus.
Or donc, nous avons d'un côté un réalisateur qui semble quand même s'intéresser aux images d'Épinal que véhicule l'imaginaire collectif sur lesdits Vikings. Un parti pris qu’apprécie aussi d’ailleurs le journaliste du magazine.
Et de l'autre, un professeur d'histoire médiévale qui montre un enthousiasme très relatif devant la bande-annonce de Northman car dit-il ; « Il y a encore la persistance d'une représentation hyperviriliste et sexué du Viking (sic) [..] ».
Outre une fixation malaisante sur l'hypervirilté d'une tripotée d'intellectuels que j'ai l'occasion de lire ici et là, penchant qu'ils ne manquent jamais de stigmatiser donc, sans jamais toutefois prendre le temps de définir ce qu’est pour eux cette si mal vue« hypervirilité ». Comme ici dans cet article.
J’ai néanmoins du mal à croire que ces individus qui s’enrichissaient « en pillant, en devenant mercenaire, mais aussi en devenant commerçant » dans le secteur de l’esclavage notamment (comme précisé) n'étaient pas des durs à cuire testostéronés .
Au sujet de l’esclavage justement, ni l’auteur de l’article, ni le professeur, le maître de conférence ou la docteure invités ne pensent utile de préciser de quels esclaves il s’agit.
Nous verrons pourtant, à la fin de mon propos, que l'occasion s'est pourtant présentée d'elle-même d’y revenir. Sans succès.
Il est vrai qu’en France, la traite d’êtres humains fait l’objet d’un traitement sélectif, comme on a pu le constater au plus haut niveau de l’exécutif.
Mais trêve de mauvais esprit.
Ce qui me navre donc, c'est le manque de recul évident de ces titulaires d’un savoir universitaire à qui on demande de parler d’un film, qui visiblement se situe du côté du divertissement sur le spectre de la réception attendue. Et qu’en aucun cas il s’agit d’édifier les spectateurs ni de leur donner un cours d’histoire comme leurs critiques semblent le laisser croire. Ce film n'a pas non plus je crois la prétention d'être un manuel de savoir-vire à l'usage des générations d'aujourd'hui.
Philippe Guedj profite aussi de la sortie du film pour signaler qu'une association toulousaine organise non pas un raid <sourire>, mais une levée de fonds, pour construire un bateau viking. Lequel permettra à ses membres nous est-il dit, de se lancer dans la traversée de l'Atlantique Nord ; « comme au temps des pionniers vikings ».
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