(Port-Royal) Annapolis Royal, Acadie anglaise, avril 1754.
Claude Gendron, puissant commerçant de Port-Royal, rassemble un nobliau français en rupture de ban, une métisse et un botaniste au passé trouble pour les lancer sur les traces d'un cartographe français disparu lors d'une mission secrète.
Seul rescapé de cette expédition, un jeune homme choqué les accompagnera. Cette entreprise « au cœur des ténèbres » révélera cependant un tout autre dessein.
Presque 40 ans plus tard, le dernier témoin de cette aventure de sauvetage au fin fond de la Wilderness nord-américaine raconte son histoire dans une tour, battue par les vents et les flots.
Si le titre évoque une créature du folklore algonquien, et si de fait Estelle Faye nous emmène dans les brumes fantastiques, ça serait bien le diable si vous ne faisiez le lien avec deux des whodunits les plus célèbres de la littérature policière.
Si le plus évident ne pose pas réellement de problème, sa structure permet de maintenir le suspense même si on a connaissance de son architecture ; le second roman, certes plus difficile à percevoir (peut-être ?), ne laisse pas vraiment de place à la surprise.
Sauf si - justement - l'autrice nous tend un piège en pariant sur notre intuition.
Je vous rassure c'est effectivement le cas.
D'une manière globale, l'ambiance et les personnages réussissent à nous faire oublier que l'on est en terrain connu. À ce titre, la wilderness « cet espace intérieur de folie, hérité des Puritains » qui occupait « ces régions reculées qui suscitent crainte ou émerveillement » du continent nord américain, est une bénédiction pour n'importe quel fantastiqueur. Et si celui-ci est une romancière de talent le résultat dépasse toutes nos prévisions.
Reste un petit écueil, la fin de ce roman de 256 pages n'est pas très à mon goût. J'aurais en effet aimer une faim (sic) plus brutale. Estelle Faye donne l'impression de douter de son propre talent de conteuse et s'embarque dans des explications dont elle aurait pu faire l'économie.
Quand bien même cette fin serait-elle restée ouverte (le doute profite toujours au Fantastique). En s'arrêtant au chapitre 22, juste avant le sous-chapitre intitulé : « Port-Royal, septembre 1753, de l’autre côté de l’océan » « Widjigo » ne s'en serait pas plus mal porté.
Au final « Widjigo » accouche d'une improbable chimère, laquelle emprunte au roman historique, au whodunit, au roman d'aventure et au fantastique ; une hybridation viable et captivante du début à la fin (ou presque). [-_ô]
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