Si le retour des aventures de Savage Dragon à l'intérieur de la sphère francophone est une bonne chose, les conditions dans lesquelles elles s'effectuent le sont tout autant.
L'éditeur Black & White™ a ainsi négligé les omnibus (un peu trop en vogue à mon goût) pour un format de recueil moins épais (6 fascicules américains inside). Et ce qu’il « perd » en quantité immédiatement disponible, il le compense par une ergonomie de lecture plus agréable, qu'un rythme soutenu (1er tome en février et deuxième tome en mai) accentue encore.
Ensuite, s'agissant de réintroduire la série après deux départs qui n'ont pas eu l'heur de monopoliser un lectorat suffisant pour en pérenniser l'erre, tout en négociant le remplacement du personnage en titre par son fils, chaque recueil propose une contextualisation pour chaque épisode qui le compose, plus une vue d'ensemble plus générale.
En plus de situer tel ou tel personnage apparaissant dans l’épisode qu’il précède, le paratexte nous éclaire également sur l'art et la manière d'Erik Larsen. C’est en quelque sorte un mode d’emploi à l’usage des amateurs, et un puits d'infos sur les origines et les influences qui seront à l’œuvre dans ledit épisode, et dans la tête de l’auteur.
Jérôme Wicky, puisque c'est à lui qu'incombe la tâche de nous instruire, en plus d'être le traducteur (il est ici aidé Didier Heynemans sur les back-up stories), fait un travail formidable. Les textes sont à la fois intéressants à lire, mais surtout il est très agréable de le faire.
Le sérieux du propos ne veut pas dire que les propos le sont toujours. On sourit souvent de la forme sans que le fond en pâtisse. Bref de la belle ouvrage comme on dit.
Savage Dragon alias Malcolm Dragon est donc le fils du Dragon originel, et dans une certaine mesure le fils spirituel de Peter Parker (alias Spider-Man). Mais là où Stan Lee écrivait les aventures du Tisseur sous le contrôle de la Comic Code Authority®, et les avanies du jeune Peter Parker, Erik Larsen - qui ne s'interdit rien - s'adresse à des lecteurs avertis.
Manière pour lui de doubler son lectorat ?
Je ne sais pas, mais le résultat est franchement explicite.
La pagination du présent recueil (un peu plus épais que le précédent puisqu’il contient quelques histoires de complément (back-up story) se partage donc entre attaques de streumons et « bêtes à deux dos ». Si elles ne doivent pas être confondues, ces deux activités engagent cependant la même énergie et une propension égale à ne pas en rester au « mano a mano ». Plus on est de fous moins il y a de riz comme le veut l'adage (et la petite amie de Malcolm).
Si l'une des particularités du genre est de mettre en scène des personnages masqués entretenant une double vie, force est de constater que les vicissitudes de la vie quotidienne des super-héros d'aujourd'hui n'ont plus guère voix au chapitre.
A contrario, Malcolm " Savage " Dragon, qui n'a pas d'identité sécrète, a une vie (bien remplie) en dehors de son activité de redresseur de torts dans cette atmosphère de massacre réciproque qui caractérise le genre.
Toutefois, si cette nouvelle relance de la série bénéficie d’un très grand soin et d’un encadrement éditorial de premier choix, Savage Dragon est essentiellement feuilleton de pur divertissement. Si Erik Larsen soigne ses personnages et les multiples rebondissements qui rythment leurs aventures, il ne rechigne jamais à utiliser toutes les astuces pour captiver le lecteur.
Peut-être l’a-t-il fait cela dit, mais à ma connaissance il n’est pas question par exemple de prendre un dieu du Quatrième monde© pour lui faire subir un nervous breakdown pendant 12 numéros. Ni d’arracher les pages du scénario pour lui donner de la supposée « profondeur ». Si vous voyez de quoi je parle.
Autrement dit, ne vous laissez pas abuser par l'aspect patrimonial et collector des éditions Black & Withe™ (et du prix qui va avec : 24, et 28 euros pour les deux couvertures collectors), Savage Dragon est une jeune type verdâtre avec une crête sur la tête qui met la peignée à ses adversaires, et découvre les joies du sexe sans complexe (timide n’était pas là non plus).
On est dans l’alimentaire, mais catégorie caviar quand même !
J'avais repris la lecture de la série avec le recueil United we stand (139 à 144) et je ne comprenais pas grand chose de l'intrigue où j'avais mis les pieds. Grâce à la page Les grandes périodes de Savage Dragon, je comprends maintenant mieux. Merci.
RépondreSupprimerJ'ai fini récemment Legacy (211 à 216) et c'est un grand plaisir que de lire ce qui est essentiellement un feuilleton de pur divertissement. Quelle verve et quelle inventivité, en prime sans les restrictions d'une publication tout public, en particulier pour les épisodes que tu évoques.
Super article.
Merci. [-_ô]
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