Imaginez, ..... vous êtes en mars 1973, Marlon Brando dont personne ne veut plus sur un plateau de tournage vient toutefois de remporter un nouvel Oscar™, pour son interprétation du patriarche de la famille Corleone, dans le remake américain du Clan des siciliens1969.
Décidé à refuser l'Oscar™ du meilleur acteur, Brando est tout aussi fermement décidé à ne pas se déplacer pour le dire.
Il envoie donc Sacheen Littlefeather, une militante d'origine apache et yaqui, et par ailleurs actrice (?), pour le faire à sa place.
Courageux, mais pas téméraire.
Sacheen Littlefeather a « pour ordre », non vous ne rêvez pas ; elle a bien pour ordre donc, si on en croit Guillaume Pajot (in Libération© du 19 juillet 2022), de refuser la statuette à la place de la star.
Brando, en échange, lui a confié un texte à lire, qu'elle ne lira finalement pas ; trop long, pas assez de temps. Elle aura toutefois celui de dénoncer « le traitement actuel des Amérindiens par l'industrie du cinéma », et les événements qui sont en train de se dérouler à Wounded Knee dans le Dakota du Sud (et qui n'ont rien à voir avec le 7ème art).
Ce qui ne l'empêchera pas de se plaindre paraît-il, par la suite, de ne jamais avoir trouvé de travail dans le cinéma, comprenne qui voudra.
Guillaume Pajot plante le contexte pour les lecteurs de Libé© (sa rubrique estivale traite de ceux qui ont refusé de prestigieux prix, Goncourt®, Oscar™, Nobel©, etc.) : la jeune femme est « intimidée », et « l'industrie du cinéma, blanche et ignorante » (on dirait du Robin DiAngelo dans le texte), loin du mea culpa attendu, la hue. Pas très délicat. Mais ce qu’écrit Pajot l’est-il ?
Mais le pire se déroule peut-être en coulisse car écrit encore le journaliste, John Wayne, autrement dit le Duke, retenu par six agents de sécurité, éructe. Un cas de mansplaining ?
Et cerise sur une dénonciation des travers d'une industrie « blanche » qui je cite : « a construit sa fortune sur une litanie de westerns où les Indiens n'étaient que des cibles mouvantes », Clint Eastwood (toujours dans les mauvais coups décidément) aurait fait - un peu plus tard - de l'humour en se demandant s'il ne devrait pas parler : « au nom de tous les cow-boys tués dans les westerns de John Ford ». Une ironie que Guillaume Pajot avale visiblement de travers.
Et pourtant, la question ne mérite-t-elle pas d'être posée, 50 ans plus tard ? <sourire>
Car rappelez-vous ; en 1971 la Ligue de défense des droits civiques des Italo-Américains™, par la voix de Joe Colombo Sr., s'inquiète de la perception négative de la communauté italo-américaine que ne manqueront pas d'avoir les spectateurs du Parrain. Avant même que le tournage ne commence !
Une attention dont n'avait pas fait l'objet le roman de Mario Puzo que Coppola a décidé d'adapter. Si le livre a été rapidement un best-seller, la Mafia avait, semble-t-il, elle aussi, largement apprécié le portrait d’elle-même qu'en avait fait l'écrivain.
Or donc, Brando, a été récompensé pour un rôle dans un film dont - en 1971 - certains s'émouvaient de l'image négative qu'il aurait pu véhiculer à l’encontre des Italo-Américains. Mais pas un mot aux Oscars™ !
Reste que si on pense que les spectateurs sont assez crédules pour s’imaginer qu'un film est la transposition de faits indiscutables et authentiques, il était temps, en effet, de se demander comment les Indiens étaient traités. Même si - en 1973 - le Western n’aura plus guère l’occasion de jouer aux cow-boys et aux Indiens.
Ainsi lors de cette 45ème cérémonie, l’Académie des Oscars™ n’avait sélectionné qu’un seul Western, Juge et hors-la-loi.
Dans la catégorie …….. « Meilleure chanson ». Sans rire !
En outre sur les 8000 Westerns jamais produits par Hollywood™, un certain nombre d’entre eux virèrent leur cuti assez tôt, et proposeront un portait nuancé de la question Indienne (si je puis dire).
Comme le Buffalo Bill de 1939, ou La Charge fantastique de Raoul Walsh ou encore La Flèche brisée (liste non exhaustive). Sans parler des Westerns progressistes du début des seventies.
Mais quid des Italo-Américains, au moment où on récompensait justement un film qui en faisait - sans exception - les représentants cossus du crime organisé ? Quand bien même celui qui avait alors donné de la voix était-il le chef d'une des cinq familles qui contrôlaient le crime organisé à New York.
Il est d'ailleurs très intéressant de noter que le racisme était déjà l'un des arguments utilisé dès 1970, par Joe Colombo Sr. Lorsqu'il accusait le FBI d'en faire preuve envers ses compatriotes, dès que les G-Men menaient des actions contre la Mafia.
Et si Brando, par l'entremise de Sacheen Littlefeather, pouvait s'arroger le droit de parler au nom des Natives, voire la jeune militante elle-même en son nom propre ; Eastwood ne le pouvait-il pas au nom des cow-boys tués dans les films de John Ford, lui qui en a tués tant et plus dans plusieurs films ?
On pourra me rétorquer qu'il n'a pas souvent été lui-même abattu, certes. Pas plus qu’il n’avait tourné avec Ford.
Et qu'en est-il de ces tueurs sanguinaires, de ces brutes épaisses et bas du front, souvent alcoolisées ? Ne sont-ils pas insultants pour les descendants de ces vieux mâles blancs européens venus, en toute honnêteté, aux U.S.A. ?
Leur portrait à jamais gravé dans l’imaginaire collectif mondial par le cinéma américain, est-il (plus) enviable ?
Comme quoi, s'arroger le droit de parler au nom d'autrui ne date pas d'aujourd'hui. Pas plus que l'accusation de racisme, devenu l'argument ultime dans l'épidermisation des débats.
Reste qu'on ne connaitra pas les raisons du refus de Brando.
Mais je me demande si c'était l'intention de Guillaume Pajot de nous les révéler. <Sourire>
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