Si je n'avais pas été totalement emballé par le précédent roman de Hannu Rajaniemi publié en France [Pour en savoir +], il m'avait cependant fait suffisamment bonne impression pour lui donner une nouvelle chance.
Bien m'en a pris.
Si Le voleur quantique donnait à lire une version « Hard science-fiction » des aventures d'Arsène Lupin, pour le dire en quelques mots,
« Summerland »en est l'incursion toutes aussi hardsiencefictif (sic) dans le « Grand Jeu » cher à Rudyard Kipling.
Sauf que l'Espagne y remplace l'Asie dans la rivalité qui oppose la Grande Bretagne victorienne à une Russie léniniste, en lieu et place d'une Russie tsariste. Et que nous sommes en 1938.
Ce ne sont pas les seuls changements.
Car sur la Côte d'Azur à l'été 1894, le monde que nous connaissons a connu un Point Renouvier™, et depuis il a bifurqué dans une uchronie, celle-la même que « Summerland » nous invite à visiter.
Bâti sur une excellente intrigue qui évoque les grandes heures de l'espionnage made in guerre froide, Hannu Rajaniemi imagine un arrière-plan extraordinaire, qui est par ailleurs à l'origine d'un changement complet de paradigme, et donc l'origine de l'uchronie en question.
Si le roman de Rajaniemi n'aurait pas été le même sans son imagination, sa grande force est surtout d'avoir écrit un très bon roman d'espionnage.
Certes, la découverte de l'été 1894 apporte une plus-value qui transforme de nombreuses péripéties en quelque chose ne nouveau et d'inattendu, et que le roman n'aurait pas été aussi bon qu'il ne l'est sans elle. Il n'en demeure pas moins que l'affrontement Est-Ouest a engendré des romans tout aussi étranges sans entrer pour autant dans le domaine de la Sf.
L'uchronie est souvent le lieu des permutations, tel personnage historique connu prend la place d'un autre, tel événement s'incarne sous une forme imprévu, et « Summerland » n'y échappe donc pas plus qu'un autre roman de ce (mauvais) genre. Mieux il y recourt avec espièglerie. Ou gravité.
Ce dernier point s'incarne pas ailleurs, me semble-t-il dans une idéologie jamais évoquée, si ce n'est dans la postface de Karine Gobled & Bertrand Campeis qui justement souligne son absence.
Pour ma part il me semble au contraire qu'elle s'incarne (en négatif) dans les très discrets Moissonneurs.
Tout ça pour dire que la richesse et l'accessibilité du monde qu'a construit Hannu Rajaniemi permet à tout un chacun d'y prendre plaisir.
On peut même être indifférent à la Sf, et prendre néanmoins beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman.
Un très bon roman de plage, très rafraichissant !
Il est dans la pile, ton retour de lecture, m'intrigue encore plus...
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