…. En lisant la compilation des aventures du Docteur Strange intitulée Une réalité à part, je n’ai pas pu m’empêcher de relever une sorte de communauté d’inspiration avec les épisodes du Captain Marvel ou du Adam Warlock de l’époque.
À tel point qu’on pourrait interchanger les personnages principaux des trois séries sans que cela ne pose de réels problèmes aux lecteurs.
Ceux d’entre nous qui avons lu le livre de Sean Howe sur la Maison des idées savent que les idées en question - de certains employés - étaient à l’époque, sacrément fumeuses.
Mais est-ce que ça marche ?
Du côté de la table à dessin, les planches de Frank Brunner sont empreintes de la recherche visuelle de Steve Ditko, qui lui ne prenait aucune drogue pour booster son imagination, à laquelle il apporte sa patte ; c’est indéniable et c’est – je trouve – du très très beau boulot.
Du côté des scénarios, Steve Englehart fait fi des inhibitions qui pouvaient éventuellement le brider, et envoie le Maître des Arts Mystiques se frotter à des concepts sur lesquels repose toute la civilisation occidentale ; excusez du peu !
Bien entendu, au vingt-et-unième siècle cela peut sembler un peu désuet voire anodin, que n’a-t-on pas encore dézinguer aujourd’hui ?
Mais dans la première moitié des années 1970, la démarche est sinon courageuse au moins est-elle assez téméraire. Même si un vent aux forts relents de L.S.D et d’amour libre flotte dans l’air du temps.
D’ailleurs, tout le monde ou presque connaît l’anecdote de la lettre sensée dédouaner Englehart & Brunner d’avoir fait de Dieu en personne (si j’ose dire) un personnage de BD.
Je ne sais pas si l’éditeur a déposé un copyright cela dit.
On se souviendra toutefois, pour remettre tout cela dans le contexte de la bande dessinée d’outre-Atlantique, de la rencontre avortée à la fin des années 1980 entre Swamp Thing et le Fils de celui qu’Englehart n’a pas hésité lui à utiliser dans les pages de sa série.
Comme quoi rien n’est définitivement acquis.
N’importe quelle société humaine peut faire prévaloir son ouverture d’esprit, les enjeux financiers n’en demeurent pas moins de puissants freins à la libération de l’imagination des rois de l’évasion.
En parlant de frein justement, le scénariste aurait pu mettre la pédale douce sur les dialogues et les récitatifs qui aussi pittoresques qu’ils puissent être (et ils le sont), dépassent un peu mes propres limites.
Si je me suis laissé emporter par la fougue des deux compères force m’est de constater qu’une lecture continue n’est pas la meilleure façon de faire.
Ce n’est pas tant l’abondance que la redondance et le délire new age qui assomme. Ceci dit si l’objectif de Steve Englehart était de mettre ses lecteurs à la place de son héros et de leurs faire ressentir sa désorientation et son abattement, il a tout à fait réussi son coup.
Il y a quelques passages assez douloureux induits par la logorrhée de l'auteur, que la somnolence – presque hypnotique - rend parfois encore plus pénibles. J’exagère un chouia, mais je crois que j’ai été contaminé par Une réalité à part plus que je ne veux me l’avouer.
Mais contre toute attente, je ne regrette pas mon achat.
…. Une Réalité à part est aussi un recueil à part dans ce qui se fait aujourd’hui chez cet éditeur, et le témoignage vivant pour ainsi dire, de l’effervescence de la BD des années 1970 (conséquence d’une chute du lectorat pas si catastrophique que cela, mais qu’une escroquerie de grande envergure laissait croire aux éditeurs).
Grâce à une poignée de scénaristes, qui tentaient de concilier un esprit provocateur et relevant (autrement dit en phase avec les problèmes sociaux & politiques de leur époque), les années 1970 de l’éditeur new-yorkais ont produit d’authentiques BD dites « ground level ».
C’est-à-dire des histoires de super-héros ou assimilés, destinées au grand public, mais à la sensibilité underground.
Un pan essentiel de ce qui se faisait alors de mieux (et qui fait encore partie de la fine fleur de la production disponible).
…. Si l’édition de Panini reprend le contenu de son homologue original, je trouve dans les deux cas (forcément) que le premier épisode proposé (Marvel Premier #9) n’est pas très reader-friendly comme on dit.
Et l’introduction, qui résume ce que l’on va lire – que je déconseille donc fortement de lire avant le contenu proprement dit du recueil – n’est d’aucune utilité à ce sujet. Mais ensuite, le ton ne laisse place à aucune espèce d'hésitation, on est définitivement en terrain inconnu !
…. En conclusion, une palanquée d’épisodes à l’imagination artistique et à sa matérialisation sur la planche vraiment magnifique, et dont le storytelling parfois très alambiqué ajoute à l’exotisme ; Brunner est très en forme et très très motivé, et ça se voit.
Et un Steve Englehart à l’imagination toute aussi désinhibée que son dessinateur, mais un peu trop prolixe à mon goût. À force de cueillir les fruits de l’arbre à came, Englehart en oubliait que certains de ses lecteurs auraient le vertige. Mais que le Fulchibar me damne si j'ai des regrets d'en avoir fait l'expérience !
Panini a de mon point de vue en tout cas, fait un excellent choix en proposant ces aventures, d’autant que l’éditeur a décidé d’utiliser du papier mat – qui convient mieux à la colorisation de l’époque -, il est d’ailleurs dommage qu’un si bel ouvrage commence sur une coquille, un malencontreux « Bunner » à la place de « Brunner » dès la page des crédits.
Bref, hormis cette coquille, Une Réalité à part est le mariage réussi du fond et de la forme. Un avis qui comme tous ceux que l’on distribue n’engage que celui qui en fait profiter les autres. [-_ô]
À tel point qu’on pourrait interchanger les personnages principaux des trois séries sans que cela ne pose de réels problèmes aux lecteurs.
Ceux d’entre nous qui avons lu le livre de Sean Howe sur la Maison des idées savent que les idées en question - de certains employés - étaient à l’époque, sacrément fumeuses.
Mais est-ce que ça marche ?
Du côté de la table à dessin, les planches de Frank Brunner sont empreintes de la recherche visuelle de Steve Ditko, qui lui ne prenait aucune drogue pour booster son imagination, à laquelle il apporte sa patte ; c’est indéniable et c’est – je trouve – du très très beau boulot.
Du côté des scénarios, Steve Englehart fait fi des inhibitions qui pouvaient éventuellement le brider, et envoie le Maître des Arts Mystiques se frotter à des concepts sur lesquels repose toute la civilisation occidentale ; excusez du peu !
Bien entendu, au vingt-et-unième siècle cela peut sembler un peu désuet voire anodin, que n’a-t-on pas encore dézinguer aujourd’hui ?
Mais dans la première moitié des années 1970, la démarche est sinon courageuse au moins est-elle assez téméraire. Même si un vent aux forts relents de L.S.D et d’amour libre flotte dans l’air du temps.
D’ailleurs, tout le monde ou presque connaît l’anecdote de la lettre sensée dédouaner Englehart & Brunner d’avoir fait de Dieu en personne (si j’ose dire) un personnage de BD.
Je ne sais pas si l’éditeur a déposé un copyright cela dit.
On se souviendra toutefois, pour remettre tout cela dans le contexte de la bande dessinée d’outre-Atlantique, de la rencontre avortée à la fin des années 1980 entre Swamp Thing et le Fils de celui qu’Englehart n’a pas hésité lui à utiliser dans les pages de sa série.
Comme quoi rien n’est définitivement acquis.
N’importe quelle société humaine peut faire prévaloir son ouverture d’esprit, les enjeux financiers n’en demeurent pas moins de puissants freins à la libération de l’imagination des rois de l’évasion.
En parlant de frein justement, le scénariste aurait pu mettre la pédale douce sur les dialogues et les récitatifs qui aussi pittoresques qu’ils puissent être (et ils le sont), dépassent un peu mes propres limites.
Si je me suis laissé emporter par la fougue des deux compères force m’est de constater qu’une lecture continue n’est pas la meilleure façon de faire.
Ce n’est pas tant l’abondance que la redondance et le délire new age qui assomme. Ceci dit si l’objectif de Steve Englehart était de mettre ses lecteurs à la place de son héros et de leurs faire ressentir sa désorientation et son abattement, il a tout à fait réussi son coup.
Il y a quelques passages assez douloureux induits par la logorrhée de l'auteur, que la somnolence – presque hypnotique - rend parfois encore plus pénibles. J’exagère un chouia, mais je crois que j’ai été contaminé par Une réalité à part plus que je ne veux me l’avouer.
Mais contre toute attente, je ne regrette pas mon achat.
…. Une Réalité à part est aussi un recueil à part dans ce qui se fait aujourd’hui chez cet éditeur, et le témoignage vivant pour ainsi dire, de l’effervescence de la BD des années 1970 (conséquence d’une chute du lectorat pas si catastrophique que cela, mais qu’une escroquerie de grande envergure laissait croire aux éditeurs).
Grâce à une poignée de scénaristes, qui tentaient de concilier un esprit provocateur et relevant (autrement dit en phase avec les problèmes sociaux & politiques de leur époque), les années 1970 de l’éditeur new-yorkais ont produit d’authentiques BD dites « ground level ».
C’est-à-dire des histoires de super-héros ou assimilés, destinées au grand public, mais à la sensibilité underground.
Un pan essentiel de ce qui se faisait alors de mieux (et qui fait encore partie de la fine fleur de la production disponible).
…. Si l’édition de Panini reprend le contenu de son homologue original, je trouve dans les deux cas (forcément) que le premier épisode proposé (Marvel Premier #9) n’est pas très reader-friendly comme on dit.
Et l’introduction, qui résume ce que l’on va lire – que je déconseille donc fortement de lire avant le contenu proprement dit du recueil – n’est d’aucune utilité à ce sujet. Mais ensuite, le ton ne laisse place à aucune espèce d'hésitation, on est définitivement en terrain inconnu !
MARVEL VINTAGE : Doctor Strange : Une Réalité à part
Auteurs : Steve Englehart & Frank Brunner 176 pages/ 20,50 € Armé de sa cape de lévitation et de l’Œil d'Agamotto, le Docteur Strange est le Sorcier Suprême, celui qui défend notre dimension contre les attaques venues d'autres réalités. Sa quête l'emporte parfois bien loin de la Terre, dans des contrées où plus aucune règle humaine ne s'applique.(Contient les épisodes U.S : Marvel Premiere 9-14 et Doctor Strange (1974) 1-2 et 4-5, publiés précédemment dans les revues LE FILS DE SATAN 6-10) Traduction : A. Catteau Lettrage : ELLETI Sortie le 12 octobre 2016 |
…. En conclusion, une palanquée d’épisodes à l’imagination artistique et à sa matérialisation sur la planche vraiment magnifique, et dont le storytelling parfois très alambiqué ajoute à l’exotisme ; Brunner est très en forme et très très motivé, et ça se voit.
Et un Steve Englehart à l’imagination toute aussi désinhibée que son dessinateur, mais un peu trop prolixe à mon goût. À force de cueillir les fruits de l’arbre à came, Englehart en oubliait que certains de ses lecteurs auraient le vertige. Mais que le Fulchibar me damne si j'ai des regrets d'en avoir fait l'expérience !
Panini a de mon point de vue en tout cas, fait un excellent choix en proposant ces aventures, d’autant que l’éditeur a décidé d’utiliser du papier mat – qui convient mieux à la colorisation de l’époque -, il est d’ailleurs dommage qu’un si bel ouvrage commence sur une coquille, un malencontreux « Bunner » à la place de « Brunner » dès la page des crédits.
Bref, hormis cette coquille, Une Réalité à part est le mariage réussi du fond et de la forme. Un avis qui comme tous ceux que l’on distribue n’engage que celui qui en fait profiter les autres. [-_ô]
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