…. Le scénariste & écrivain Alan Moore a dit un jour, en parlant des livres numériques, que son ancêtre le livre d'encre & de papier était comme un requin.
Cet animal disait-il, n’a pas évolué depuis des millions d’années parce qu’il est formidablement adapté à son milieu, tout comme le sont les livres qui occupent les étagères de nos bibliothèques, et qu’il ne voyait donc aucune raison d’échanger l’un pour l’autre.
Si je trouve la comparaison très belle et féconde, l’imagination de Moore semble oublier cependant que le livre a pourtant évolué au travers des âges. Et il n'est pas le seul.
…. Né dans les pages des pulp magazines, ces brochures bon marché d’un format d’environ 17,5 cm X 25 cm en mauvais papier, au cours des années vingt ; le personnage du hard-boiled dick – autrement dit du détective privé dur-à-cuire – et son esthétique s’épanouiront ensuite dans celles des paperbacks, les livres de poche où dit-on, le roman de Mickey Spillane I, the jury (J’aurai ta peau) se vendra en 1948 à 1 million d’exemplaires en quelques mois. Mazette !
Héritier des valeureux scouts (ou éclaireurs) de la cavalerie américaine et autres personnages hauts en couleurs (et parfois peu recommandables) de la Frontière ; capables de pister aussi bien du gibier que des Indiens renégats voire des esclaves en fuite, leur homologue moderne, le détective privé américain, n’entretien au départ que peu de lien avec son pendant britannique.
Et la forme que prendront ses aventures pas plus.
Selon la formule très connue de Raymond Chandler, lui-même écrivain et inventeur du détective privé Philip Marlowe, Dashiell Hammett son illustre prédécesseur – que l’on considère comme l’un des pères du genre - a « sorti le crime de son vase vénitien et l'a remis à sa place, dans le caniveau ».
À la progression à pas de loupe de Sherlock Holmes, le « privé » Race Williams (le premier privé dur-à-cuire de l’histoire), au tout début des années 1920, lui préférera l’instinct et le savoir-faire hérités de Natty Bumppo, et la pugnacité d’un Wild Bill Hickock.
Le code source du dur-à-cuire a lui aussi évolué au fil du temps, et les paperbaks ont vu arriver au côté du privé, d’autres types de personnages qui ont petit à petit, joué un rôle de premier plan dans des aventures urbaines toujours dominées par des situations de conflits intenses, une psychologie virile, et une écriture sèche. On ne change pas un code créatif qui gagne.
Quarry est l’un d’entre eux.
Pensé comme le héros d’un seul roman Quarry rempilera toutefois à la demande de l’éditeur de Max Allan Collins (M.A.C) son créateur. Si Quarry appartient par la force des choses, au monde du crime, il agit - selon M.A.C - souvent comme un détective hard-boiled traditionnel.
L’une des particularités du personnage, c’est le détachement que montre le narrateur (c’est-à-dire Quarry lui-même) à l’égard des gens qu’il assassine.
Seulement deux romans de la série ont été publiés en France, Un dernier pour la route traduit par Jean-Pierre Pugi pour l’éphémère collection Hard Case crime de J’AI LU est le second.
A contrario de ce que laisse entende son titre original The Last Quarry littéralement le « dernier Quarry » sous-entendu le dernier de la série (mais le traducteur revient de façon plutôt intéressante sur la difficulté de traduire ce titre) ce roman est en fait le premier d’un nouveau cycle.
En effet aux U.S.A. pour le compte de l’éditeur Hard Case Crime (dont J’AI LU a repris le nom pour sa collection) M.A.C a non seulement continué les aventures de son tueur à gages mais les anciens romans ont été réédités sous de somptueuses couvertures dans la grande tradition là aussi des paperbacks hard-boiled de l’Âge d’or.
Des couvertures, dont on sait l'importance qu'elles peuvent avoir lorsqu'il s'agit d'alpaguer le chaland.
Un artefact dont, pour l'anecdote, Shane Black a su très astucieusement rendre l'attirance dans son dernier film.
De fait si l'intrigue de The Nice Guys se déroule dans le milieu du porno, ce dernier symbolise, comme l'indique la séquence très postmoderne du début du film, toutes ces couvertures dont certains lecteurs ont pu dire qu'elles « avaient fait leur éducation sexuelle ». Tout un programme !
…. Roman court, 180 pages desquelles il faudrait retrancher le coefficient dit de foisonnement, ou phénomène d’amplification lié au passage d’une langue à une autre dont on s’accorde à dire qu’il est de 12% (en moyenne) de l’anglais vers le français.
Bref Un dernier pour la route s’inscrit dans ce qu’on appelle la littérature ferroviaire : « vite écrite, vite lue et vite oubliée » selon la formule consacrée ; mais pas forcément désagréable. Ni vite oubliée d’ailleurs.
Max Allan Collins ne concourt pas pour le Nobel de littérature (mais même dans ce domaine tout semble possible aujourd’hui) vous l’aurez compris, c’est plutôt un adepte du taylorisme littéraire. Foin de style, il est ici question d'une littérature à l'os et sans fioriture.
Quarry commence par tuer le temps pour embrayer en quatrième vitesse sur des cibles plus en accord avec ce pour quoi on le paye.
« Les armes ne tuent personne, sauf si on tire bien » dit l’adage, et la créature de Max Allan Collins tire plutôt bien.
Malgré quelques pages un peu paresseuses et trop confortables à mon goût, ce petit roman vaut bien les 4,80 € qu’il coûte (si vous l'achetez neuf). Ni plus, ni moins !
Cet animal disait-il, n’a pas évolué depuis des millions d’années parce qu’il est formidablement adapté à son milieu, tout comme le sont les livres qui occupent les étagères de nos bibliothèques, et qu’il ne voyait donc aucune raison d’échanger l’un pour l’autre.
Si je trouve la comparaison très belle et féconde, l’imagination de Moore semble oublier cependant que le livre a pourtant évolué au travers des âges. Et il n'est pas le seul.
…. Né dans les pages des pulp magazines, ces brochures bon marché d’un format d’environ 17,5 cm X 25 cm en mauvais papier, au cours des années vingt ; le personnage du hard-boiled dick – autrement dit du détective privé dur-à-cuire – et son esthétique s’épanouiront ensuite dans celles des paperbacks, les livres de poche où dit-on, le roman de Mickey Spillane I, the jury (J’aurai ta peau) se vendra en 1948 à 1 million d’exemplaires en quelques mois. Mazette !
Héritier des valeureux scouts (ou éclaireurs) de la cavalerie américaine et autres personnages hauts en couleurs (et parfois peu recommandables) de la Frontière ; capables de pister aussi bien du gibier que des Indiens renégats voire des esclaves en fuite, leur homologue moderne, le détective privé américain, n’entretien au départ que peu de lien avec son pendant britannique.
Et la forme que prendront ses aventures pas plus.
Selon la formule très connue de Raymond Chandler, lui-même écrivain et inventeur du détective privé Philip Marlowe, Dashiell Hammett son illustre prédécesseur – que l’on considère comme l’un des pères du genre - a « sorti le crime de son vase vénitien et l'a remis à sa place, dans le caniveau ».
À la progression à pas de loupe de Sherlock Holmes, le « privé » Race Williams (le premier privé dur-à-cuire de l’histoire), au tout début des années 1920, lui préférera l’instinct et le savoir-faire hérités de Natty Bumppo, et la pugnacité d’un Wild Bill Hickock.
Le code source du dur-à-cuire a lui aussi évolué au fil du temps, et les paperbaks ont vu arriver au côté du privé, d’autres types de personnages qui ont petit à petit, joué un rôle de premier plan dans des aventures urbaines toujours dominées par des situations de conflits intenses, une psychologie virile, et une écriture sèche. On ne change pas un code créatif qui gagne.
Robert McGinnis / Frédéric Arditi |
Quarry, le fameux tueur à gages (actuellement sur tous les écrans), a pris sa retraite depuis longtemps quand un magnat de la presse vient lui offrir une somme colossale pour exécuter un dernier contrat, simple en apparence. En apparence seulement, car qui peut bien vouloir refroidir une jeune et inoffensive bibliothécaire ?.... Ancien combattant de la guerre du Vietnam, il est recruté à son retour au pays de l’Oncle Sam, pour devenir un tueur au service d’une mystérieuse organisation.
Pensé comme le héros d’un seul roman Quarry rempilera toutefois à la demande de l’éditeur de Max Allan Collins (M.A.C) son créateur. Si Quarry appartient par la force des choses, au monde du crime, il agit - selon M.A.C - souvent comme un détective hard-boiled traditionnel.
L’une des particularités du personnage, c’est le détachement que montre le narrateur (c’est-à-dire Quarry lui-même) à l’égard des gens qu’il assassine.
Seulement deux romans de la série ont été publiés en France, Un dernier pour la route traduit par Jean-Pierre Pugi pour l’éphémère collection Hard Case crime de J’AI LU est le second.
A contrario de ce que laisse entende son titre original The Last Quarry littéralement le « dernier Quarry » sous-entendu le dernier de la série (mais le traducteur revient de façon plutôt intéressante sur la difficulté de traduire ce titre) ce roman est en fait le premier d’un nouveau cycle.
En effet aux U.S.A. pour le compte de l’éditeur Hard Case Crime (dont J’AI LU a repris le nom pour sa collection) M.A.C a non seulement continué les aventures de son tueur à gages mais les anciens romans ont été réédités sous de somptueuses couvertures dans la grande tradition là aussi des paperbacks hard-boiled de l’Âge d’or.
Des couvertures, dont on sait l'importance qu'elles peuvent avoir lorsqu'il s'agit d'alpaguer le chaland.
Un artefact dont, pour l'anecdote, Shane Black a su très astucieusement rendre l'attirance dans son dernier film.
De fait si l'intrigue de The Nice Guys se déroule dans le milieu du porno, ce dernier symbolise, comme l'indique la séquence très postmoderne du début du film, toutes ces couvertures dont certains lecteurs ont pu dire qu'elles « avaient fait leur éducation sexuelle ». Tout un programme !
…. Roman court, 180 pages desquelles il faudrait retrancher le coefficient dit de foisonnement, ou phénomène d’amplification lié au passage d’une langue à une autre dont on s’accorde à dire qu’il est de 12% (en moyenne) de l’anglais vers le français.
Bref Un dernier pour la route s’inscrit dans ce qu’on appelle la littérature ferroviaire : « vite écrite, vite lue et vite oubliée » selon la formule consacrée ; mais pas forcément désagréable. Ni vite oubliée d’ailleurs.
Max Allan Collins ne concourt pas pour le Nobel de littérature (mais même dans ce domaine tout semble possible aujourd’hui) vous l’aurez compris, c’est plutôt un adepte du taylorisme littéraire. Foin de style, il est ici question d'une littérature à l'os et sans fioriture.
Quarry commence par tuer le temps pour embrayer en quatrième vitesse sur des cibles plus en accord avec ce pour quoi on le paye.
« Les armes ne tuent personne, sauf si on tire bien » dit l’adage, et la créature de Max Allan Collins tire plutôt bien.
Malgré quelques pages un peu paresseuses et trop confortables à mon goût, ce petit roman vaut bien les 4,80 € qu’il coûte (si vous l'achetez neuf). Ni plus, ni moins !
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