« Ce film est ma lettre d'amour au monde du jiu-jitsu et à sa philosophie »
David Mamet
David Mamet combine, avec « Redbelt », son intérêt pour le jiu-jitsu, à ses métier de scénariste et de réalisateur. C'est sur le tournage de La prisonnière espagnole1997 que l'acteur Ed O'Neill l'initie à cet art martial, et plus précisément à sa variante brésilienne.
Apparu au milieu des années 1920 au Brésil, ce dérivé du judo japonais est l’œuvre de Helio Gracie, via l'enseignement que Mitsuyo Maéda, un judoka qui fit connaitre l'enseignement de Jigorō Kanō à travers des démonstrations, notamment sur le continent américain, prodigua au frère aîné de Helio.
Le jiu-jitsu brésilien a commencé à gagner en popularité grâce aux tournois UFC, au début des années 1990. On y opposait des combattants de toutes les disciplines, sans catégories de poids. Créés par Rorion Gracie, l'un des fils de Helio, et le réalisateur John Milius [Pour en savoir +], à l'instigation de l'homme d'affaire Art Davie, les premiers tournois se déroulent dans une cage de forme octogonale. La victoire surprise de Royce Gracie (une affaire de famille disais-je) à l'UFC 1 fait sensation.
En effet, le jiu-jitsu made in Gracie est d'abord un art de combat qui privilégie le « travail » au sol ; balayages, immobilisations, étranglement, clés d'articulation. Peu de projections et encore moins de coups frappés. Le jiu-jitsu brésilien insiste particulièrement sur ce travail au sol, et un préjugé tenace voulait qu'un combattant pied/poing (type boxe thaï, par exemple) soit supérieur à un adversaire qui utilise la « soumission » par des étranglements ou des clés. La médiatisation du « combat libre », et sa mauvaise réputation (il a longtemps été interdit dans l'Hexagone (sic)), mettra à mal ce préjugé. Le jiu-jitsu brésilien deviendra, et pour longtemps, la coqueluche des tatamis.
David Mamet, de ce que je connais de lui, est un scénariste qui privilégie la mécanique de précision, ses personnages sont soient des manipulateurs très intelligents, soit leur objet tout aussi intelligent. Très compliquées, ces manœuvres perdent souvent en vraisemblance ce qu'elles gagnent en complexité.
Si « Redbelt » n'échappe pas totalement à cette tentation, ce film souffre aussi, et surtout, d'un scénario très embrouillé, sans qu'on assiste pour autant à la réalisation d'un plan machiavélique.
Difficile en effet de s'y retrouver avec un Mike Terry très à cheval sur ses principes, capable de laisser sa femme se débrouiller avec la gestion du dojo, et sa propre affaire, tout en offrant à un ami une montre de prix, qui lui aurait sûrement permis d'assainir une partie de ses découverts.
Tout aussi difficile d'accepter l'enchaînement de circonstances qui aboutit à la destruction de la vitrine de sa salle de sport, et surtout les répercussions qu'imagine son copain flic. Dans le genre je-complique-tout-pour-rien il se pose là.
Pas moins difficile à avaler ce personnage d'avocate, très angoissée, qui tombe bien à propos, et qui « guérit » grâce à une simple mise en situation. D'ailleurs plutôt brutale vu le contexte de ladite angoisse.
Mais surtout, le brusque changement de la ligne de conduite du héros ajoute à la mauvaise impression que m'aura laissée ce film.
Un sentiment qui arrivera heureusement à maturité à la toute fin de ce long-métrage de 2008.
En effet, le charisme et la présence de l'acteur Chiwetel Ejiofor, dans le rôle de Mike Terry, arrive à faire oublier tout ce qui fait de « Redbelt » un film raté (du moins à l'aune de mes propres exigences). Même si les 40 premières minutes donne l'illusion contraire.
Mais le brusque basculement de Terry, le pathos final - un peu trop envahissant - d'une bromance qui termine de révéler que le héros est un déplaisant égoïste, les seconds rôles gâchés, et les combats (très) mal filmés ne laissent aucune chance au film de David Mamet.
De ce gloubi-boulga® il reste néanmoins quelques interprétations qui surnagent, dont celle de Chiwetel Ejiofor, des seconds rôles venus des sports de combat (Jeet kune do, MMA, boxe anglaise, et bien évidemment jiu-jitsu brésilien) que l'amateur se plaira à reconnaitre, quelques beaux tours de prestidigitation, et une idée de randori intéressante.
Laquelle idée aurait d'ailleurs pu déboucher sur une histoire de droit de propriété intellectuelle, esquissée certes mais que David Mamet n'a pas jugé bon d'explorer. Et c'est bien dommage !
Reste un film que contre toute attente je recommande néanmoins, un Hollywood Night™ de luxe, à regarder en imaginant comment David Mamet aurait pu réussir son film avec ce que l'on voit à l'écran.
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