La mémoire travaille parfois de façon étonnante.
J’étais en train de regarder Treize jours, le film de Donaldson avec Kevin Costner, lorsque je me suis mis à penser à Brad Meltzer. Un auteur de thrillers, dont j’ai le souvenir ( ?) qu’on lisait, en quatrième de couverture de ses livres, qu’il avait travaillé pour la Maison Blanche !? (D’où l’association d’idées).
Un romancier qui dans ses ouvrages faisaient des clins d’œil à la BD américaine de super-héros au travers du patronyme de ses personnages, et qui s’est finalement retrouvé à en écrire.
Notamment « Identity Crisis » une mini-série en sept parties, parue mensuellement de juin à décembre 2004, et que pour ma part j’avais beaucoup appréciée à sa sortie. Mais qui je crois, avait fait l’objet de beaucoup de mécontentement.
« Identity Crisis » est une enquête dans la plus pure tradition du « whodunit » : Un personnage est assassiné, une enquête est diligentée (ici par plusieurs super-héros). Celle-ci révélera des secrets bien gardés, et « coup de théâtre ! » l’identité inattendue de l’assassin en question.
Je ne sais pas si vous avez aimé « Identity Crisis », ou si vous l’aimerez, mais cette mini-série a un contexte.
En effet, ces sept numéros ont été fortement influencés par les attentats de 11-septembre. Notamment au travers de l’héroïsme de tous ces anonymes qui ont apporté leur secours, fouillé les décombres, etc. Mais aussi sur les effets qui touchent des gens innocents.
They just said, « Can you bring back a level of seriousness and a level of reality? »
Le scénariste a donc reçu comme consignes de mordre dans la jugulaire de la réalité et d’éclabousser son intrigue des conséquences (supposément) toutes aussi réalistes des actes qui y seront commis.
Brad Meltzer est recruté par Bob Schreck au début de l’année 2002. Les deux hommes ont des amis communs, et les allusions du romancier aux super-héros de DC Comics™ (pour qui travaille alors Schreck) dans ses propres thrillers, ont dû plaire. D’autant que Meltzer est un auteur qui a déjà fait ses preuves, et qui bénéficie en outre d’un lectorat fidèle.
Après un court run de 6 numéros sur la série Green Arrow, le romancier se lance donc dans ce qui restera son magnum opus dans le genre (où il n'a que peu travailler, certes). Il sera encadré par Mike Carlin, un editor qui a pas mal de bouteille, et qui a entre autre supervisé la « mort » de Superman.
Une petite précision cependant.
Tout aussi aguerri que soit déjà Brad Meltzer, travailler pour un éditeur de l’envergure de DC Comics™ c’est comme d’être jockey sur un hippodrome : les marges de manœuvre sont très encadrées, et la star est toujours le cheval. Autrement dit ici, le ou les personnages de l’écurie de l'éditeur new-yorkais. Tout doit être avalisé ; et ce qui sort, l’a forcément été.
Ceci étant dit, place à « Identity Crisis ».
Brad Meltzer choisi donc de revenir à l’identité originelle de l’éditeur en insufflant une bonne dose de mystère à son histoire. Après tout, « DC » se sont aussi les initiales de « Detective Comics ». Il choisit aussi de mettre en avant des seconds couteaux. Et par la force des choses, des personnages de leur entourage, sans super-pouvoir. Rappelez-vous le contexte.
Certes Wonder Woman, Superman et Batman ne sont pas totalement absents, mais le centre nerveux de l’enquête est incarné par Green Arrow.
L’archer de DC™ vient de faire un retour remarqué, et Meltzer le connaît bien pour s’en être occupé sur son titre éponyme à la suite de Kevin Smith.
Cela dit, les vrais héros d’« Identity Crisis » seront l’Homme-Elastique et son épouse, Sue Dibny.
Mais « Identity Crisis » c’est surtout un changement de parallaxe. Joss Whedon, dans une préface à l’un des recueils qui compile les sept numéros, parle d’épiphanie.
Complétement autonome cette mini-série n’en oublie pas pour autant les aficionados de longue date.
Et proposera d’une certaine manière le bâton du mécontentement dans son sous-texte.
En effet, cette histoire propose un diagnostic qui change presque tout ce qu'on croyait savoir.
À l'inverse des « crises » passés, une tradition chez l'éditeur, il n'est pas question ici de révolutionner l'avenir. (Un peu quand même).
Fortement influencé par le zeitgeist post-11 septembre donc, « Identity Crisis » ne se contente pas d’être « grim and gritty », elle dit qu’en tout temps les actes ont eu des conséquences. Elle dit que cette époque (soi-disant) plus naïve, plus candide, l’était car nous la voyions alors avec nos yeux d’enfants ; et que certains s’occupaient de nous la faire voir ainsi. Elle dit aussi que personne, au sein des super-héros de DC™, n’était dupe.
En sus, elle propose une enquête qui va donc révéler de sordides secrets lesquels vont disputer leur leadership à un crime atroce, et inattendu. Oui c'est du très lourd !
Si « Identity Crisis » nous dit que tout ce qu’on avait cru savoir sur ces personnages est en partie faux, elle le fait d’une manière très brutale (et adroite sic).
Ces révélations et cette situation sont d’autant plus dérangeantes que Meltzer écrit ses personnages en profondeur, et que Rags Morales, le dessinateur, leur donne toute l’humanité possible au travers un storytelling très immersif, et toute une gamme d’expressions et de micro-expressions faciales qui en disent long.
La rançon de travailler pour un éditeur comme DC Comics™ est qu'il faut le faire sur des personnages qui ont souvent de longues années d'existence. Pour inoculer du mystère dans ces vies d'encre et de papier il est nécessaire de sortir les personnages de leur zone de confort respective.
Et ça ne se fait pas sans casser des œufs.
Mais pour une fois, Panaït Istrati, et les lecteurs de cette mini-série, peuvent voir l'omelette.
Et elle est bonne !
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Contrairement à Heroes in Crisis de Tom King et Clay Man, une récente mini-série qui opte, elle aussi pour un whodunit, et dont j'ai un peu parlé hier.
En effet malgré les nombreuses déconvenues apportées par les scénarios précédents de Tom King, la curiosité a prévalu.
La déception n'en a été que plus grande.
Si l'enquête proprement dite ne supporte pas la comparaison avec « Identity Crisis », l'hyper-sexualisation des personnages féminins dans Heroes in Crisis (voir ci-contre) m'a mis bien plus mal à l'aise que l'atrocité du crime perpétré dans le scénario de Brad Meltzer.
Lequel n'est d'une part jamais glamourisé. Tout en étant nécessaire à l'intrigue.
Certainement parce que le voyeurisme décomplexé de Heroes in Crisis est (heureusement) totalement absent de « Identity Crisis ».
Bref si vous aimez les enquêtes policières, les mystères, et les super-héros ; Brad Meltzer & Rags Morales ont concocté l'histoire qu'il vous faut.
À ne toute fois pas mettre dans les mains de trop jeunes lecteurs !
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