Il était une fois un jeune italien, diplômé en science politique, fonctionnaire au ministère des finances, auteur de plusieurs essais politiques et historiographiques sur l'extrême-gauche, qu’un énième concours venait d’empêcher d’embrasser une carrière universitaire, tenté par le roman d'épouvante, auquel ses goûts l'avaient préparé.
En quête d'un archétype qui n’aurait pas encore été usé jusqu'à la corde, il jeta son dévolu sur la figure de l'inquisiteur. Un choix notamment influencé par l’interprétation de Vincent Price dans le film de Michael Reeves, intitulé Le Grand Inquisiteur 1968.
Féru de documentation, ses recherches sur le sujet le mettent sur la piste d'un certain Nicolas Eymerich 1320-1399, dont le nom « qu'il trouve très tranchant » lui plait.
Moine dominicain, inquisiteur général d'Aragon, royaume alors situé au Nord-Est de la péninsule ibérique, Nicolas Eymerich est par ailleurs l'auteur, en 1376, d’un « Manuel de l'inquisiteur » qui fera date.
Nanti d'un protagoniste prometteur, l'auteur en herbe décide, après avoir lu un essai sur le trouble de la personnalité schizoïde, et dans lequel il reconnait plusieurs traits de sa propre personnalité, de transférer sur Eymerich le pire de lui-même.
Insatisfait toutefois par l'idée d'avoir transformé son inquisiteur en fantôme, il le réintègre dans le XIVème siècle de son modèle historique, et soumet son nouveau tapuscrit au jury du prix Urania. Un concours littéraire qui récompense, chaque année en Italie, un roman inédit de science-fiction.
Son texte sera refusé car n'appartenant pas au genre.
Nouveau refus l'année suivante avec une nouvelle aventure de Nicolas Eymerich, car toujours « pas d'astronef, ni d'extraterrestres ! » rédhibitoire.
La troisième sera la bonne, Valerio Evangelisti remporte le premier prix en 1993 avec « Nicolas Eymerich, inquisiteur ».
Publié l'année suivante dans la collection Urania™, il est remarqué par les éditions Mondadori™ qui le rééditeront, ainsi que les deux autres romans qui avait été refusés par le jury du prix Urania. Respectivement Les chaînes d'Eymerich et Le corps et le sang d'Eymerich.
Valerio Evangelisti s'impose dès lors dans le paysage littéraire péninsulaire, et Nicolas Eymerich verra douze tomes de ses aventures être publiés entre 1994 et 2018 (1998 et 2021 pour la traduction française).
• La publication, en France du cycle de l'inquisiteur a connu plusieurs éditeurs.
D'abord
chez Rivages Fantasy™, il y a plus de 20 ans, où j'ai lu le premier tome sans véritablement accrocher, puis différentes éditions
Pocket™, pour finalement se retrouver chez La Volte™. Sans compter les deux récents omnibus au Livre de Poche™
Si une des lectures possible est bien entendu celle qui suit la publication des différents volumes, le cycle écrit par Valerio Evangelisti forme ce qu'on pourrait appeler, en paraphrasant David Mitchell, un « über-novel ».
Autrement
dit, les douze romans (plus quelques nouvelles, j'y reviendrai) sont
les parties distinctes mais inséparables d'un seul et même roman.
Lesquels peuvent donc se lire dans une chronologique qui suit la propre
vie du Nicolas Eymerich de fiction, de 1352 (« Nicolas Eymerich, inquisiteur ») à 1378 (Le Fantôme d'Eymerich). Tout en sachant que chaque roman met cependant en scène plusieurs flux temporels.
Je proposerai bientôt un ordre de lecture chronologique possible, pour lequel je dois encore vérifier la place qu'y occuperont certaines nouvelles. « Nicolas Eymerich, inquisiteur » aux éditions La Volte™ (2011)
Le premier tome, qui le sera quelque soit l'option de lecture que je vous proposerez, commence par une épigraphe d'Hermès Trismégyste. Puis, sans transition, le prologue continue avec la rencontre, dans ce qu'on devine être le présent contemporain de l'écriture du roman, entre le professeur Tripler du département d'astrophysique de l'Université du Texas, et Marcus Frullifer tenant d'une théorie que le premier ne se gêne pas pour dire qu'elle est complétement farfelue.
Chapitre suivant, nous sommes en 2194, à bord de l'astronef psytronique Malpertuis (sic), via les extraits d'une déposition anonyme.
Arrive le chapitre situé en 1352, lequel s'intéresse enfin au rôle-titre.
Puis un interlude, qui ne sera pas le seul, consacré à un ouvrage qui donne aussi son nom auxdits interludes Rapide comme la pensée. Et dans lequel la théorie de Frullifer y est examinée et expliquée.
Hormis le prologue donc, ce rythme se poursuivra plus ou moins à l'identique : Rapide comme la pensée, Malpertuis et enfin des chapitres numérotés de I à X qui se déroule au XIVème siècle de notre inquisiteur : Nicolas Eymerich, en alternance.
Si cette mise en récit modulaire augmente bien évidemment le suspense de l'ensemble, elle se joue tout aussi adroitement des genres : Sf, épouvante, chronique historique. Mais aussi récit de détection.
En effet, le travail de l'inquisiteur Eymerich s'apparente en tout point à celui d'un détective. On peut d'ailleurs considérer que la juridiction spécialisée de l'Église catholique créée au XIIIème siècle est le creuset des futurs détectives de l'étrange chers à Poe, G.K. Chesterton, Seabury Queen,pour ne citer qu'eux.
Au surplus, le lecteur au courant des turpitudes qu'a connues Valerio Evangelisti pour faire accepter son roman au prix Urania, s'amusera sûrement, comment moi, de l'aspect space opera inventé par le natif de Bologne pour plaire au jury. Une touche d'humour bienvenue.
Après ce long commentaire™ sur « Nicolas Eymerich, inquisiteur », et les recherches qu'il a nécessitées, vous vous doutez bien que mon avis est plus qu'enthousiaste.
Et que si, en ce début d'année, j'avais un livre à recommander, ça serait celui-là.
D'autant qu'il peut se lire tout à fait indépendamment de ses suites, et que La Volte™ à fait un très très beau travail d'édition.
Magnifique couverture de Corinne Billon que met en valeur la conception graphique due à Stéphanie Aparicio, et les fontes de caractères créées par Laure Afchain (titre et police).
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