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Enfant 44 [Tom Hardy / Noomi Rapace / Daniel Espinosa]

J’aime beaucoup les polars qui se déroulent dans des sociétés contrôlées par une idéologie totalitaire, ou dans un moment de l’Histoire particulièrement dangereux. 
Je pense par exemple à La nuit des généraux, récit d’une enquête policière au sein de l’armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, avec Omar Sharif et Peter OToole. À la série de romans de Philip Kerr avec son détective privé Bernie Gunther, ou encore à SS-GB la formidable uchronie de Len Deighton, publiée en 1978. Pour ne citer que quelques exemples. 
« Il n'y a pas de meurtre au paradis »
            « Enfant 442015 » se déroule en U.R.S.S. (comme l’excellent Gorki Park du siècle dernier, adapté du roman de Martin Cruz Smith). On y suit, au début des années 1950,  l’enquête (forcément) semée d’embûches de Leo Dimitov ancien combattant, et très bon agent du MGB (l’ancêtre du KGB) sur des meurtres que le régime stalinien ne peut idéologiquement accepter de reconnaître. 
            Si dans le rôle principal Tom Hardy accapare l’attention grâce à l’intensité de son interprétation. « Enfant 44 » brosse aussi le portrait d’une femme combative en la personne de son épouse. Interprétée tout aussi intensément par Noomi Rapace. 
Sachant qu’un « héros » est toujours tributaire de la valeur de son antagoniste, qui dans ce genre d’histoire n’est pas toujours le meurtrier qu’il pourchasse ; ce rôle est ici occupé par Joel Kinnaman. Ex-frère d’arme, subordonné envieux, et adversaire sournois. 
Les seconds rôles ne manquent pas de qualités non plus. 
Fares Fares dans une interprétation difficile ; sa présence, très impressionnante, doit en effet composer avec un rôle qui la lui fait diminuer petit à petit, et endosser un rôle quasi biblique. Gary Oldman dans un petit rôle y est cependant marmoréen autant qu'inoubliable. Et Vincent Cassel dans une interprétation plus attendue certes, ne passe néanmoins pas inaperçu. 
            Tout comme la société en déliquescence que filme la caméra de Daniel Espinoza, et qui vaudra à son long-métrage d’être interdit dans la Russie de Vladimir Poutine. Cette censure a un étrange effet miroir avec ce dont traite le film en filigrane ; une image qui aura sûrement échappé à l’ancien élève de l’Institut Andropov. 
            « Enfant 44 » est donc une histoire chargée en énergies contraires, où la tension entre l’enquête et la société dans laquelle elle se déroule est constitutive du plaisir qu’on prend à la suivre. Du tueur en série ou de l’U.R.S.S. stalinienne ; on ne peut s’empêcher de se demander qui est le plus dangereux pour ses enfants. D’autant que l’un, peut être perçu comme l’incarnation – littéralement – de l’autre. Une sorte de pantographie de ce que produit l’empire communiste d’alors. 
Reste donc une belle réussite, qui me fait regretter que les deux autres romans de Tom Rob Smith, avec Leo Dimidov, n’aient pas eu d’adaptation.
Il y avait là un beau rôle récurrent pour un Tom Hardy, ici phénoménal.

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