... Tarzan avait l'odorat aussi fin que l'ouïe et la vue. La piste était fraîche et maintenant qu'ils s'étaient éloignés de la forte odeur de la tribu, il ne lui était pas difficile de suivre Toog et Teeka. Des bouffées de l'odeur familière de Teeka leur prouvaient qu'ils étaient sur le bon chemin, et bientôt celle de Toog leur devint tout aussi familière.
... Brusquement, d'épais nuages cachèrent le soleil. Tarzan accéléra le pas. Maintenant ils volaient presque le long de la piste ; et là où Toog avait quitté le sol, ils suivaient aussi adroitement que des écureuils la route mouvante des arbres, se lançant de branche en branche comme Toog l'avait fait devant eux, mais plus rapidement car ils avaient les mains libres.
... Tarzan senti qu'ils approchaient des fugitifs car l'odeur se faisait de plus en plus forte, lorsque la jungle fut soudain illuminée par un éclair livide. Un coup de tonnerre assourdissant se répercuta à travers les cieux et la forêt, à tel point que la terre en fut secouée. Puis vint la pluie - non pas en gouttes comme dans les zones tempérées, mais sous la forme de puissantes trombes d'eau, un déluge qui déversait des tonnes sur les géants courbés de la forêt et sur les créatures terrifiées qui cherchaient un abri sous leur feuillage.
... Et la pluie effaça de la surface de la terre toute trace du fugitif.
... Pendant une demi-heure l'eau continua à se déverser en nappes, puis le soleil perça, éclairant la forêt de millions de joyaux scintillants ; mais ce jour-là l'homme-singe, habituellement si sensible aux merveilles de la jungle, ne remarqua rien.
... Il existe dans les arbres des pistes aussi bien tracées que sur terre, mais elles s'entrecroisent souvent car il est plus facile d'y circuler que dans la végétation dense du sol.
... Après que la pluie eut cessé de tomber, Tarzan et Taug continuèrent de suivre un de ces chemins car l'homme-singe soupçonnait que le ravisseur était passé par là ; mais quand ils arrivèrent à une fourche, ils ne surent plus que faire. Ils s'arrêtèrent et Tarzan inspecta chaque branche, chaque feuille que le fuyard était susceptible d'avoir touchée.
... Il renifla le tronc de l'arbre et chercha de ses yeux perçants quelque signe du passage de leur gibier sur l'écorce. C'était un travail de longue haleine. Pendant tout ce temps, Tarzan savait que le singe ennemi continuait à s'enfuir, gagnant des minutes précieuses qui leur permettraient de se mettre à l'abri avant qu'ils aient pu le rattraper.
... Tarzan s'engagea d'abord dans l'un des chemins de traverse, puis dans l'autre, appliquant toutes les règles de sa merveilleuse science de la jungle ; mais il ne trouvait rien car l'odeur avait été lavée par les trombes d'eau qui s'étaient abattues aux endroits découverts. Pendant une demi-heure Tarzan et Taug continuèrent leurs recherches jusqu'à ce qu'enfin l'odorat subtil de Tarzan saisisse, à l'extrême bout d'une feuille, un faible relent de l'odeur de Toog, là où le feuillage avait effleuré l'épaule poilue du singe qui traversait l'arbre.
... Les deux mâles reprirent de nouveau la piste. Ils allaient lentement et subissaient maints retards décourageants quand les traces paraissaient effacées à jamais.
... Pour un chasseur civilisé la piste aurait été invisible, sauf là où Toog était descendu à terre pour suivre le chemin de chasse. Là, les énormes empreintes de pieds et celles des articulations de la main étaient quelquefois assez faciles à remarquer.
... Tarzan avait conclu de tout cela que le singe portait encore Teeka. La profondeur des empreintes des pieds indiquait un poids bien plus élevé que celui des mâles les plus lourds, car elles avaient été faussées par les poids combinés de Toog et de Teeka ; et le fait qu'une seule main ait touché le sol prouvait que l'autre était occupée - occupée à maintenir la prisonnière sur l'épaule.
... Tarzan put deviner les endroits abrités où le fugitif avait changé son fardeau d'épaule, d'après la profondeur de l'empreinte du pied du côté de la charge, et le changement de l'empreinte de la main sur le chemin.
... Il y avait de longues distances que le singe avait parcourues au sol entièrement dressé sur ses deux poids, à la façon des hommes ; car à l'opposé des chimpanzés et des gorilles, les grands anthropoïdes marchent aussi bien sans l'aide de leurs mains. De telles choses aidaient Tarzan à identifier le fuyard et, avec son odeur personnelle maintenant bien en mémoire, ils étaient en meilleure posture pour le reconnaître quand ils le rencontreraient, (même au cas où il se serait débarrassé de Teeka) que ne l'est un détective moderne pour retrouver un évadé, avec ses photographies et ses empreintes.
... Malgré leurs facultés d'observation si hautement éveillés, les deux compagnons de la tribu de Kerchak avaient bien du mal à suivre la piste, et ils furent si souvent retardés que dans l'après-midi du second jour ils n'avaient pas encore rattrapé le ravisseur. Mais l'odeur devenait maintenant forte car elle datait d'après la pluie, et Tarzan savait qu'avant longtemps ils auraient atteint le voleur et sa proie.
... Ils se faufilaient sans bruit tandis qu'au dessus d'eux ils entendaient glapir Manu le gibbon et ses milliers de semblables, jacasser les grands oiseaux effrontés, bourdonner les myriades d'insectes grouillant sous les feuillages. Un petit macaque qui braillait en se balançant au bout d'une branche les aperçut en regardant en bas. Aussitôt les braillements cessèrent, tandis que la silhouette à longue queue s'enfuyait comme si Shetta la panthère était lancée à ses trousses....
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