Accéder au contenu principal

Exhalaison [Ted Chiang / Sylvie Denis & Roland C. Wagner]

La branche de la Science-fiction que l'on nomme communément « Hard science », se distingue en tant que la science elle-même y occupe un rôle essentiel. Voire le rôle principal.
« Exhalaison », une nouvelle de Ted Chiang, au sommaire du cinquante-sixième numéro du trimestriel Bifrost, en est un bel exemple.

            Roublarde, elle commence ainsi : « On a longtemps affirmé que l'air (d'aucun l'appellent argon) est la source de la vie. ». Si les plus attentifs n'ont pas pu laisser passer l'allusion à l'argon, la suite reste dans un registre raisonnable. Jusqu'à ce que, quelques lignes plus loin, huit pour être précis, on apprenne que « Chaque jours, [...] nous ôtons nos poumons vides de notre cage thoracique [..] ».
À ce moment-là, le commutateur de notre horizon d'attente vient de définitivement basculer. L'imaginaire s'ajoute à l'imagination, et le départ est immédiat et au-delà de notre « bulle de présent » (sic).

            « On considère les découvertes scientifiques avec un sentiment de respect mêlé d'effroi, sentiment qu'on associe à la foi, et la similitude m'intéresse », n'avait pas peur de déclarer l'auteur à Thomas Day, en 2006, dans un entretien (traduit par Pierre-Paul Durastanti) publié dans le Bifrot n°42.

Et force m'a été de constater que cette nouvelle, très pointue (à l'aune de mon propre savoir), sous couvert d'une découverte scientifique au sein d'une société complétement étrangère à la nôtre, entretient un rapport avec un Créateur, sur un mode presque religieux.
Le narrateur s'y interroge en sus, mais dans des termes différents des nôtres, sur des questions qui n'en finissent pourtant pas d'agiter notre propre matière grise.

            Toujours dans ce 42ème numéro, Pierre Stolze, dans une recension du recueil de nouvelles de Ted Chiang, intitulé La Tour de Babylone, dont ne fait pas partie « Exhalaison », décrit le style de l'américain comme glaçant, et refusant je cite : « toute poésie, lyrisme ou humour ». 
Ce n'est pas « Exhalaison » qui lui fera changer d'avis.

Maintenant, si je fais mienne son appréciation générale sur ladite nouvelle en particulier (dont ne parle pas Pierre Stolze dans sa critique), la distanciation cérébrale de certains auteurs, leur jargon scientifique itou, ont un effet, sur moi, d’émerveillement, qui n'a rien à craindre de la comparaison avec ce dont d'autres auteurs de Sf, plus chaleureux et plus lyriques, sont capables. Question de sensibilité.   

            Reste que « Exhalaison » n'a pas produit le vertige cognitif attendu, eu égard à ce qu'elle proposait. La faute à une analogie bien trop prégnante avec ce qui sur notre plan de réalité structure la plupart des monothéismes. 
Un choix qui ne doit rien au hasard, il n'est qu'à voir les propos de l'interview que je reproduis.
Et avec lesquels je ne suis pas du tout d'accord.

Je n'ai jamais associé de près ou de loin, la science et la foi. Il n'est pas besoin de croire en l'électricité pour s'éclairer.             

Bref, « Exhalaison » propose un très bon dépaysement, mais que l'analogie sous-jacente, m'a empêché d'apprécier entièrement. Non pas parce que je suis athée, mais parce que, à mon avis, ça en réduit l'ampleur.   
Rien qui justifierait cependant, de ne pas rejoindre le challenge en cours.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'...

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" (...

Islander [Caryl Férey / Corentin Rouge]

            « Islander », bande dessinée de presque 160 planches, dont c'est seulement le premier tome, commence de manière assez réaliste.             On y voit Le Havre , devenu un port d'immigration. Ici, pour ce qui nous concerne pour l'instant, ce sera vers l’ Écosse .             Et en se fiant à ce qui se passe actuellement en France  (mais qui a commence grosso merdo en 1976), il est clair qu'hormis une guerre, c'est ce qui nous attend. Chassés (ou soumis) par ceux-là mêmes qui comptent trouver en France ce qu'ils détruisent consciencieusement en y arrivant. Les Français, mais d'une manière globale, les Européens n'auront pas beaucoup de choix (À moins de stopper totalement l’immigration à laquelle on assiste). Et je ne vois par C aryl F érey nous raconter une guerre de type migratoire. > SOURIRE <   Or donc, Le Havre .             ...