…. Que de chemin parcouru pour celui qui n’était sûrement qu’un "avatar" de Boy (Detective Comics #38/avril 1940), le fils adoptif de Tarzan
(Tarzan trouve un fils/juin 1939).
Hypothèse d’autant plus valable lorsqu’on connaît la manière
de travailler du scénariste Bill Finger & du dessinateur Bob Kane.
Ainsi Finger s’est-il par exemple largement inspiré d’une
histoire du héros de pulp magazines The Shadow, intitulée Partners of Peril
devenue The Case of the Chemical Syndicate pour planter le décor de son (depuis devenu) célèbre personnage.
Extrait de Batman anthologie Urban Comics |
Du reste, le dessinateur Jerry Robinson (Pour en savoir +) a cité, sans se faire
prier, comme source d’inspiration pour la tenue du Boy Wonder, le Robin des bois
de l’illustrateur N.C. Wyeth alors qu’incidemment, en mai 1938, Errol Flynn
incarnait justement le célèbre justicier de la forêt de Sherwood.
Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ; et le rappel par un film sorti récemment d'une idée que l'on a en tête est somme toute assez banal.
Si à la fin de 1939 l’éditeur Fawcett procède à un sondage,
dont les résultats vont conduire à l’invention de l’un des personnages les plus
populaires de ce qu’il est convenu d’appeler l’Âge d’or, et qui montre, ceci
expliquant cela, que les lecteurs de l’époque sont surtout des enfants (ce que
ne devait pas ignorer non plus à l’époque l’éditeur de Batman) ; et si de mon point
de vue l’arrivée de Boy dans la vie de Tarzan & Jane n’est pas étrangère à
celle de Robin dans celle de Batman, il convient cependant de ne pas oublier que dès 1932
Dick Tracy, le célèbre détective de comics strips, inventé par Chester Gould,
adopte lui aussi un enfant fort débrouillard qui deviendra son filleul :
Junior.
Ibid |
…. Bref, si la culture de masse est sans conteste un miroir
aux silhouettes, l’ombre portée de leur(s) sources(s) d’inspiration respective n’est
pas toujours aussi évidente qu’une analyse rétrospective pourrait le laisser
penser.
Et le secret de ce Watson juvénile n’est donc pas totalement percé à jour. [-_ô]
…. Aujourd’hui, Dick Grayson est une sorte d’agent infiltré,
ou d’agent discret sous l’égide d’un duo de scénaristes dont l’un des deux, Tom
King, a été agent de la CIA, ce que ne s’est pas privé de faire savoir
l’éditeur de la série.
Quant à savoir si l’expérience prime sur l’imagination, pour
ma part c’est bien la seconde qui a ma préférence en tant que lecteur de
littérature d’évasion.
Surtout qu’il n’y a parfois qu’un pas entre souligner et
s’en remettre à l’expérience d’un auteur
et, comme cela est déjà arrivé, dénier à certains d’écrire des personnages féminins si elle ne sont pas elles aussi des femmes, des personnages Noirs s'ils ne sont pas
afro-américains, voire les aventures de policiers tribaux s'ils n'ont pas de sang
amérindien qui coule dans leurs veines (liste non exhaustive).
C’est un très mauvais procès à mes yeux, d’autant que cet
argument en plus d’être ahurissant, peut rapidement se révéler à double
tranchant en cantonnant les scénaristes féminins à n’écrire que des personnages
féminins, et les écrivains afro-américains à n’écrire que des personnages
« Blacks », etc.
Une sorte de communautarisme de l’imaginaire.
Grayson #1/Batman Saga n°35 |
Mais revenons à la série Grayson.
.... L’infiltration et le renseignement sont dans cette série,
vus dans leur perspective la plus spectaculaire on est plus proche d’un Ian
Fleming sous stéroïdes que d’un Graham Green ou d’un John le Carré.
Malheureusement serais-je tenté de dire, il faut faire
preuve d’une bonne dose de volonté pour suspendre son incrédulité face à autant
de poncifs et de lieux communs qui jalonnent les péripéties de notre héros.
À cela s’ajoute des digressions (ou ce que je considère
comme telles) plutôt incongrues, comme de voir Dick Grayson émoustiller de
jeunes étudiantes tel un Tarzan à la 50 nuances de grey (réminiscence de son
origine « moi Tarzan, toi Jane » ?).
Les épisodes s’enchaînent sans surprise et sans beaucoup de
saveur, jusqu’à ce que justement un numéro sorte du lot.
Cela dit si le fond est somme toute assez commun, les
auteurs soignent souvent la forme.
La mise en récit éveille les prémices d’un frison rétinien à
plusieurs reprises.
…. Le numéro en question donc est l’annual #1 (dessiné par Stephen Mooney)
Le personnage principal est une sorte de baratineur à qui on
ne la fait pas, et les auteurs utilisent ce trait de caractère pour lui faire
raconter des histoires qui donnent un éclairage ludique aux situations qu’il
est en train de vivre.
Du reste, l’agence qu’a infiltrée Dick Grayson depuis
le début de la série, utilise un artefact hypnotique qui permet à ses agents de
dissimuler leurs traits.
Les (fausses) apparences sont ici encore, au centre du récit
– toutefois les scénaristes laissent filtrer quelques indices utiles aux
lecteurs attentifs pour mener leurs propres investigations – et les histoires que raconte Rock, dont on sait qu’elles sont toutes imaginaires, sont autant d’artifices servant à
dissimuler la vérité ou a leur donner un éclairage particulier.
Un très beau tour de force dont je me plais à espérer le
voir réitérer plus souvent.
.... Et en effet, sans atteindre des sommets, la série négocie bien le plaisir qu'a suscité cet annual et monte d'un cran dans l'échelle de mon intérêt.
Je me suis arrêté au numéro 8 (numérotation originale) c'est-à-dire l'épisode qui se trouve dans le Batman Saga n° 43 (traduction de Thomas Davier et lettrage de Stephan Boschat pour l'ensemble de la série) et son cliffhanger a éveillé d'un coup ma curiosité comme jamais depuis le début de la série.
Plutôt prometteur !
(À suivre ....)
Je me suis arrêté à l'épisode 7, correspondant au premier tome VO. Je n'ai pas eu envie d'aller plus loin. Comme tu le dis, il y a beaucoup de poncifs, et pas beaucoup de surprises.
RépondreSupprimerC'est dommage, le #8 botte bien les fesses à la série. [-_ô]
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