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Expedition (Chuck Palahniuk)

…. Avec Expedition, une nouvelle* de 20 pages, Chuck Palahniuk approfondit l’univers de Tyler Durden en proposant une prequel à son roman Fight Club (à qui par ailleurs il offre aussi une suite sous la forme d’une maxi-série de BD), rendu extrêmement populaire grâce au film de David Fincher.

Si on en croit le romancier, il avait la volonté d’écrire quelque chose dans la veine de Lovecraft, de Poe et d’Hawthrone.
Des auteurs qui se sont influencés dans l’ordre inverse dont je les énumère (et qui n’en finissent pas d’influencer moult auteurs encore aujourd'hui).

Et force est de constater qu’Expedition est, de ce côté-là du spectre de la création, une fort belle réussite. D’ailleurs l’intérêt que j’ai pris à sa lecture tient bien entendu à cette atmosphère qui combine le meilleurs de ces trois ombres tutélaires, mais aussi au plaisir que j’ai eu à la lecture en tant que telle.
Sans pour autant me détacher du monde de la fiction dans lequel j’étais plongé, je me réjouissais de la technique de l’auteur, du moins de ce que j’en percevais. Ou ce que je croyais en percevoir.

Ce qui est par ailleurs, l’un des attraits du « conte », dont Edgar Allan Poe s’était fait le meilleur des chantres.
En effet le conte est, au siècle où écrit Poe, à entendre comme un récit bref, mais surtout virtuose, qui plus est dont la lecture est lié au rythme que lui impose une parution dans les journaux.
Pour le dire autrement un conte doit se lire à la manière d’un fait divers, et seul l’habileté de l’auteur peut lui donner la « touche » qui l’en démarque.


« Pirthee pay heed, the first-most rule regarding the monster is thee must nevermore speak of meeting the monster »

Et Tyler Durden me direz-vous ?

Eh bien selon Palahniuk, Durden est un mème**, ce qui lui permet par exemple d’apparaître dans le Hambourg interlope des années 1880 (Expedition).
Mais à dire vrai, sa présence est surtout – je pense - un clin d’œil à ses lecteurs, et peut-être aussi une manière de se réapproprier sa création qui lui avait échappé après qu’elle ait été interprété par Brad Pitt, tant elle n'est pas indispensable (mais fort réjouissante & réussie).

Cette réappropriation est ce qui apparaît - entre les lignes - en tout cas au travers de la suite de son célèbre roman, sous forme donc d’illustrés mensuels (publiés par Dark Horse aux U.S.A***), lesquels reprennent là où son roman s’achevait.
Une fin différente, je le rappelle, de celle voulue par Fincher au cinéma. CQFD.

…. Or donc Expedition est un très chouette moment de lecture, mais qui nous dit Palahniuk, n’est tout à fait autonome.
En effet la huitième livraison de la maxi-série dessinée par Cameron Stewart apporterait des révélations importantes quant à sa totale compréhension. Du moins selon Chuck himself.

On voit qu’il a été à bonne école, puisque c’est - dit-il - Matt Fraction et Brian Michael Bendis, deux scénaristes de BD, rompus aux arcanes du « principe de continuité », qui l’ont convaincu de faire une suite sous cette forme. Et qu'il a été prompte à s'emparer de cet artifice.  
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* Au sommaire du recueil Make Something Up: Stories You Can't Unread (non traduit). Et sous forme de vinyle, lu par l'auteur lui-même.

** La mémétique est apparue suite à une petite phrase dans un ouvrage de Richard Dawkins(Le Gène égoïste) où il émettait l'idée (c'est le cas de le dire) que les idées étaient comme les gènes, vivantes et qu'elles se servaient d'hôtes – les êtres humains - pour vivre. Il n'exploite pas du tout cette assertion dans son livre, ce seront d'autres individus qui le feront. Le mème est donc à la civilisation ce que le gène est à l'évolution : un élément de code culturel, cognitif, symbolique ou pratique, soumis à la sélection naturelle. Autrement dit, le mème est une idée qui à l'instar de l’œuf de Samuel Butler utilise la poule pour se dupliquer. Et nous autre homo sapiens jouons le rôle de la poule.

*** Fight Club 2 a été publié dans l'Hexagone par les éditions Super8

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