Accéder au contenu principal

Johnny Mnemonic [William Gibson / Jean Bonnefoy]

C’est semble-t-il, sur la suggestion de John Shirley, dont Gibson fera le « patient zéro du Cyberpunk », que ce dernier soumet « Johnny Mnemonic » à Ellen Datlow, qui sélectionne les nouvelles de la prestigieuse revue de Sf et de vulgarisation scientifique Omni
En mai 1981, il n’est cependant pas encore question de parler de « Cyberpunk ». 

            Encore aujourd’hui, presque 20 ans après sa publication et l’évolution sans commune mesure de l’informatique. Sans oublier tout ce que le genre a produit ; « Johnny Mnemonic » est d’une efficacité redoutable. 
Ceci tient en grande partie au style utilisé par William Gibson. 
La narration subjective, qui donne bien évidemment un ton personnel, vécu. Et la technique dite de l’Iceberg™, en vertu de quoi la force d’une histoire réside dans ce qui est sous-jacent. Dans son implicite. 
Par exemple, pas besoin de s’étendre sur le type de société dans laquelle se déroule l’intrigue, la description de Jones, le dauphin, suffit largement. Le reste des personnages est logé à la même enseigne ; on déduit ce qu’ils sont de ce qu’ils font. 
« Ralphi n’était pas seul. Quatre-vingts kilos de bœuf californien blond étaient juchés avec aisance sur la chaise voisine, un vrai catalogue d’arts martiaux. » Traduction de Jean Bonnefoy

            Reste que débarrassé de sa quincaillerie ; ce qui deviendra le Cyberpunk, appellation d’origine contrôlée que l’on doit à Bruce Bethke, mais popularisée par Gardner Dozois, « Johnny Mnemonic » a tous les atours sulfureux du roman criminel tel qu’on pouvait déjà le trouver à la fin des années 1920. 
            Mais c’est justement, et bien évidement cette « quincaillerie » qui donne à la nouvelle son originalité. 

Mélange d’intuitions, Gibson raconte volontiers que c’est en voyant la posture des joueurs d’arcade, qui traduisait leur volonté de rejoindre le monde virtuel, qu’il a eu l’idée du « cyberspace », de références musicales ; Molly Millions lui a été en partie inspiré par Chrissie Hynde, et l’orientalisme par le magazine Métal Hurlant
Et il y a déjà un peu de tout ça dans « Johnny Mnemonic ». 

            Ni prophète, ni prospectiviste William Gibson est d'abord et avant tout un écrivain.
Plutôt connu pour ses romans, et surtout sa célèbre trilogie dite de la  « conurb » (Sprawl Trilogy), ses textes courts n'ont pas à rougir de ses romans. 
S'il déclare tout aussi volontiers, qu'avant de se lancer sérieusement dans l'écriture de fictions il ne trouvait plus dans la Sf quoi que ce soit d'intéressant ( à quelques exceptions près), ce sont d'abord ses nouvelles qui ont creusé le nouveau bac à sable où il a pu s'exprimer. Et créer, pas tout seul et à son corps défendant, un nouveau courant littéraire. Ce qu'on n'avait pas vu en Sf depuis la New Wave de Moorcock & Co..     

« Johnny Mnemonic », nouvelle que le temps et le progrès n'ont pas encore rendu obsolète, rejoint en grandes pompes le challenge de lecture du Maki. Elle n'a rien à voir avec le film qui en a été tiré, ni avec la novelization qui illustre ce billet. 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Wheelman [Frank Grillo / Jeremy Rush]

En partie produit, et surtout entièrement cornaqué par War Party™, la société de production de J oe C arnahan & de F rank G rillo, et magistralement interprété par ce dernier ; « Wheelman 2017 » repose sur la règle des 3 unités du théâtre dit classique :  • Unité temps : Une nuit.  • Unité d'action : Une attaque à main armée ne se déroule pas comme prévue.  • Unité de lieu : Une BMW E46  Autrement dit, 98% du film se déroule dans une voiture avec seulement F rank G rillo au volant et à l’écran. Son personnage n'interagit avec l'extérieur quasiment que via un téléphone portable.              Tourné à Boston en seulement 19 jours, pour un budget légèrement supérieur à 5 millions de dollars, « Wheelman » est, au moment des comptes, une péloche dégraissée et bien relevée.  D'entrée de jeu les premières minutes donnent le ton : « l'homme au volant » du titre a été embauché pour être chauffeur lors d'un braquage à main armée. Divorcé, sa fille adolescente, d