Accéder au contenu principal

Thin Air, épisode 2

Précédemment dans « Thin Air » :
Architecturé autour de l'idée de la Frontière©, dont d'ailleurs les spectacles de Buffalo Bill donnaient un aperçu très ludique, et univoque. À l'instar donc de la théorie de F.J. Turner qui en faisait le creuset de l'américanité, la « Haute Frontière » opère de même sur les migrants terriens envoyés sur Mars.
Et, conséquence inévitable, l'esprit du Far West fait donc quasiment partie de l'ADN des indigènes martiens.
___________
            Inclure ce qu'il faut bien convenir d'appeler un stéréotype, la Frontière© en question, comme arrière-plan entraîne, inévitablement, l'apparition de personnages dotés d'une belle paire de chromosomes XY.
Ce qui n'est pas pour déplaire à Richard K. Morgan, puisque chacune de ses séries parues en France, a justement pour protagoniste principal, un « dur-à-cuire ».
            S'ils ne se ressemblent pas, ils empruntent (sauf Ringill son héros de Fantasy) au stéréotype du détective hard-boiled apparu dans les pulp magazines des années 1920. Takeshi Kovacs (du moins dans le premier tome de ses aventures), Carl Marsalis, et ici Hakan Veil, braconnent sur les plates-bandes du dur-à-cuire inventé dans les pages de Black Mask.  
            Un type de personnage autant né du zeitgest des années 1920 (fin de la « Der des Ders », prohibition, marasme économique), que de la volonté du Capitaine Shaw, rédacteur en chef de ladite revue.
Si le nom de Dashiell Hammett risque de venir immédiatement en tête, dès lors qu'il est question de détective hard-boiled, c'est à l'un de ses collègues que revient la paternité du privé dur-à-cuir.

            C'est en effet à Caroll John Daly que l'on doit d'avoir inventé le prototype du genre. Race Williams est un individu qui opère en marge de la loi. Situé entre l'escroc et le policier, il travaille pour l'argent et n'hésite jamais à tuer de sang-froid les truands qui l'ont mérité (les lecteurs et les lectrices attentives remarqueront le logo de la célèbre NRA, sur la couverture supra). 
Quelques mois plus tard le portrait s'affine avec le premier détective moderne de la littérature :  « J'ai une petit bureau dont la porte indique Terry Mack, détective privé .. Quelque fois les affaires marchent moins bien et je sors pour trouver du boulot ... je ne suis pas un escroc et je ne suis pas un flic ; je joue le jeu à ma façon ... »
Terry Mack travaille à New York, et porte deux puissants Colts .45 (et garde en réserve un calibre .25) dont le Shadow saura se souvenir. 
           Le roman policier américain dit hard-boiled (terme qui vient d'ailleurs directement le la Première Guerre mondiale) est un roman de suspense mais surtout d'action. Il a d'autant mieux le rythme de fuite et de poursuite du jazz, qui apparaît lui aussi au début du XXème siècle, que ses racine sont aussi à chercher du côté d'un personnage comme Natty Bumpo
Je vous l'ai dit, la Frontière© n'est jamais bien loin dès qu'il est question d'américanité. Quand bien même Richard K. Morgan est-il anglais.  

            Héritier du vigilant et du pisteur indien, le détective américain, dont le modus operandi n'a pas totalement abandonné le whodunit (ou kilafé) ne fait pas dans la dentelle comme ses cousins anglais ou les frenchies à la sauce Gaboriaux. 
Pragmatique, et souvent laconique, il préfère laisser parler la poudre et ses poings.

             Si  la Frontière©, théorisée par Turner ou encore Theodore Roosevelt a depuis, déserté les bancs de l'université, sa grille de lecture reste pertinente à mes yeux, au moins dans le domaine du divertissement.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si des gens comme Buffalo Bill ou James Fenimore Cooper, pour ne citer qu'eux, y ont eu recours sans s'être pour autant concertés.
Chacun, a leur manière, exaltait ce qu'il croyait en être la personnification la plus exacte. Et dont les points communs sont bien plus nombreux que les différences.

            Sorte de pierre philosophale, la Frontière© a donc accouché d'une type de personnage capable de survivre à la wilderness de la Conquête de l'Ouest™ et à l'air raréfié de la planète Mars.
Avec, je vous l'accorde, un ou deux ripolinages technologiques de circonstance. 

(Suite et fin .... bientôt)

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Massacres à New York [Jack Cannon / Claro]

C'est un « tweet » de J ack C arr (l'auteur de Terminal List ), qui souhaitait un bon anniversaire à N elson D e M ille, qui a aiguisé ma curiosité.  Si j'avais - je crois ? - vu une adaptation cinématographique de l'un des romans de D e M ille ( Le déshonneur d'Ann Campbell ), je n'en avais en revanche jamais lus aucun.  Mon choix s'est donc porté sur L'Île des fléaux , roman disponible à la médiathèque, et premier d'une série dont le personnage principal est un certain John Corey .  Mal m'en a pris.              Je crois que c'est la pire traduction qu'il m'a été donnée de lire. Dès les premières pages on trouve un « détective », des « officiers », en lieu et place d'un inspecteur et d'agents. Un peu plus loin mais guère plus, le traducteur confond le canon d'une arme et son barillet, et cerise sur le gâteau (c'est le cas de le dire), construit une maison en pain d'épices ( gingerbread qui pour le coup a ici l

Sandman : Neil Gaiman & Co.

... J e viens de terminer l'histoire intitulée Ramadan , une magnifique histoire certainement l'une de mes favorites avec celle de Calliope ( K elley J ones), en plus dessinée par P . C raig R ussell. Juste avant je venais de lire le premier tome de la série dans la collection Urban Vertigo (traduction de P atrick M arcel) et, décidément, ça ne sera pas ma période préférée du titre. Je suis bien content que lorsque je me suis remis à lire Sandman , le premier tome n'était pas disponible à la médiathèque où je suis inscrit, sinon je n'aurais peut-être pas continué si j'avais comme il se doit, commencé par lui. Déjà il y a quelques années j'avais achoppé sur les premiers numéros (plusieurs fois), cela dit il y a quand même des choses qui m'ont réjoui dans ce premier tome : le premier numéro, le traitement de John Constantine , la présence de  G . K . C hesterton et l'idée du "lopin du Ménétrier", l'épisode n°8, " Hommes de bon

La disparition de Perek [Hervé Le Tellier]

« — Tu oublies un truc important, ajouta Gabriel.  — Dis pour voir…  — C'est nous les gentils. » Créé, selon la légende, lors d'une discussion de bistrot qui rassemblait J ean- B ernard P ouy, P atrick R aynal et S erge Q uadruppani, la série Le Poulpe est un mélange d'influences.              Paradoxalement il s'agissait de contrer la littérature de gare qualifiée de « crypto-fasciste », représentée par les SAS de G érard de V illiers, ou la série de L’Exécuteur par D on P endleton. Des titres bien trop présents dans les libraires des gares hexagonales aux dires des mousquetaires gauchistes, dont la visibilisé (et le succès)  serait ainsi gênée grâce à un projet tentaculaire ( sic ) d' agit-prop littéraire.              Une envie néanmoins déclenchée par la déferlante du Pulp Fiction 1994 de T arantino (d'où le surnom du personnage éponyme), qui allait mettre à l'honneur (pour le pire) la littérature des pulp magazines américains. Cherchez l'er