Marvel™, l'éditeur de BD américain, tire sa notoriété de son univers de Fantasy, peuplé de super-héros.
L'une des particularités de cet univers partagé, dont toutes les séries, depuis les années 1960, forment une seule et même hénaurme histoire, est que lesdites séries sont feuilletonnantes.
Néanmoins au cours de cet interminable feuilleton, se déroulent des arcs narratifs autonomes. Ou presque ; car les scénaristes continuent, vaille que vaille, d'entretenir des sous-intrigues.
Auxquelles ils donneront parfois l'honneur d'un arc narratif à part.
La série The Avengers a proposé, parmi d'autres nombreux exemples, ce type d'arc narratif autonome, pendant trois épisodes, à partir de son quatre-vingt deuxième numéro. La fin de cette intrigue verra le jour quant à elle, dans le numéro zéro d'une nouvelle série : The New Invaders.
Or donc, entre le 12 mai et le 23 juin 2004 paraitront ces quatre numéros, liés par une intrigue globalement intitulée « Once an Invader ».
Dès le second numéro de l'arc en question, la couverture affiche d'ailleurs quelques membres de cette « nouvelle » équipe. Ou plutôt de ses nouveaux membres. Car The Invaders écume les pages des illustrés made in Marvel™depuis 1969.
En effet les équipes de super-héros sont un peu l'équivalent de nos équipes de football. Si le nom perdure, ceux qui les composent vont et viennent, au gré des mercatos éditoriaux.
Cela dit, cet arc était alors assez original dans la mesure où il introduisait certes, une « nouvelle » équipe ; mais surtout un nouveau titre.
La vision qu'y propose le scénariste Chuck Austen est bien entendu la carte de visite de la nouvelle équipe en question.
Laquelle semble avoir hérité d'un canal de créativité qui a vu le jour quelques années auparavant, sous l'impulsion d'un autre scénariste : Warren Ellis.
En effet, Ellis, d'abord avec la série Stormwatch, puis avec The Authority, toutes les deux chez l'éditeur Image Comics™, a inventé les premiers super-héros proactifs. The Authority donc, sorte de bras armé de la « fin de l’Histoire », devance les problèmes que pourraient poser ses antagonistes. Être proactif, c'est donc agir sur des faits et des processus qui n'ont pas encore eu lieu (1).
Mais cinq ans plus tard, ce qui reste de l'idée d'Ellis c'est surtout son aspect para-militaire et interventionniste. Ce qui tombe plutôt bien, puisqu'à l'origine The Invaders était une équipe opérant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais, et ceux qui suivent les aventures de n'importe quel super-héros le savent, malgré la débauche pyrotechnique et les destructions massives, un super-héros ne tue pas ses adversaires. Surtout chez Marvel™.
Toutefois, trois ans après le 11-septembre, et passé la sidération qu'a provoqué l'attentat, une certaine idée de l'intervention létale a fait son chemin.
« Once an Invader » s'intéresse au sujet, notamment au travers de deux figures, presque jumelles (sans mauvais jeu de mots), Captain America et US Agent.
Si l'un, US Agent, ne s’embarrasse ni des morts, ni des dommages collatéraux. L'autre, Captain America, au contraire ne cesse de répéter qu'on ne tue pas.
Ce dernier est le patriote par excellence.
Autrement dit quelqu'un qui désire que la nation soit à la hauteur des ses propres idéaux. Et qui nous demande de donner le meilleur de nous-mêmes. En donnant lui-même l'exemple, au travers de valeurs universelles, qu'il incarne. Littéralement.
US Agent est pour sa part, le nationaliste.
Celui pour qui tous les moyens sont bons pour faire valoir son idéologie, persuadé qu'elle est la meilleure. C'est en outre, un homme qui vit dans le ressentiment perpétuel.
Chuck Austen travaille ces deux personnages conceptuels, avec les nuances que lui impose la bande dessinée de super-héros. Son histoire s'inscrit en effet au sein d'un plus vaste ensemble, et au travers de personnages qui ne lui appartiennent pas. Et qui devront, coûte que coûte, être encore là le mois prochain. Puis le mois d'après. Encore, et encore.
Vous l'avez compris la marge de manœuvre est restreinte. Très restreinte.
La couverture ci-dessus, qui imite la célèbre affiche de James Montgomery Flagg, est très claire quant à ce qui nous attend : ce sera la guerre !
D'une manière générale cet arc narratif a énormément de potentiel, mais au résultat, les cibles ne sont que rarement atteintes.
Ça part déjà assez mal avec le recrutement d'un personnage, dont on se demande ce qu'il attendait pour se sortir seul, de là où il était.
Puis, si des questions intéressantes sont posés (l'ingérence, qui aider ?, pourquoi ?, etc.) la scénographie polémique obligatoire du genre, en gêne l'énoncé.
Les combats se succèdent, et les conséquences passe à l'as. Puisque n’oublions pas qu'aussi vindicatif que puisse être US Agent, il va avoir la responsabilité d'une équipe.
Dont l'une des missions est de vendre des mensuels.
Les planches de Scott Kolins, le dessinateur, ne font pas partie de ce que je retiendrai de positif de cet arc. Déjà au mieux de sa forme, Kolins est un virulent vaccin à la curiosité, mais ici il n'est pas au mieux de sa forme.
CP Smith, qui le remplacera sur le numéro de The New Invaders à la circonstance atténuante de débuter dans le métier. Il paraît même qu'il s'améliore au fil des numéros.
Mais là c'est très très faiblard.
En définitive, l'arc « Encore et toujours Invader » fait partie de ces (trop) nombreux rendez-vous raté que donne la BD de super-héros, lorsqu'elle oublie les limites qu'elle s'impose pourtant elle-même.
Néanmoins, hors la sacro-sainte Continuité™, qui oblige les différentes séries à des rapports incestueux, cet arc narratif aurait pu être remarquable. Par exemple sous le label MAX.
À condition d'investir également dans une meilleure équipe artistique.
En l'état, « Encore et toujours Invader » ne pourra qu'intéresser les lecteurs déjà convaincus.
Dommage !
___________
(1) Une idée que Philip K. Dick avait eu dès 1956 avec sa nouvelle intitulée Rapport minoritaire (The Minority Report). Et qui fera, plus tard, les beaux jours des capitaines d'industrie aux dents longues
L'une des particularités de cet univers partagé, dont toutes les séries, depuis les années 1960, forment une seule et même hénaurme histoire, est que lesdites séries sont feuilletonnantes.
Néanmoins au cours de cet interminable feuilleton, se déroulent des arcs narratifs autonomes. Ou presque ; car les scénaristes continuent, vaille que vaille, d'entretenir des sous-intrigues.
Auxquelles ils donneront parfois l'honneur d'un arc narratif à part.
La série The Avengers a proposé, parmi d'autres nombreux exemples, ce type d'arc narratif autonome, pendant trois épisodes, à partir de son quatre-vingt deuxième numéro. La fin de cette intrigue verra le jour quant à elle, dans le numéro zéro d'une nouvelle série : The New Invaders.
Or donc, entre le 12 mai et le 23 juin 2004 paraitront ces quatre numéros, liés par une intrigue globalement intitulée « Once an Invader ».
Dès le second numéro de l'arc en question, la couverture affiche d'ailleurs quelques membres de cette « nouvelle » équipe. Ou plutôt de ses nouveaux membres. Car The Invaders écume les pages des illustrés made in Marvel™depuis 1969.
En effet les équipes de super-héros sont un peu l'équivalent de nos équipes de football. Si le nom perdure, ceux qui les composent vont et viennent, au gré des mercatos éditoriaux.
Cela dit, cet arc était alors assez original dans la mesure où il introduisait certes, une « nouvelle » équipe ; mais surtout un nouveau titre.
La vision qu'y propose le scénariste Chuck Austen est bien entendu la carte de visite de la nouvelle équipe en question.
Laquelle semble avoir hérité d'un canal de créativité qui a vu le jour quelques années auparavant, sous l'impulsion d'un autre scénariste : Warren Ellis.
En effet, Ellis, d'abord avec la série Stormwatch, puis avec The Authority, toutes les deux chez l'éditeur Image Comics™, a inventé les premiers super-héros proactifs. The Authority donc, sorte de bras armé de la « fin de l’Histoire », devance les problèmes que pourraient poser ses antagonistes. Être proactif, c'est donc agir sur des faits et des processus qui n'ont pas encore eu lieu (1).
Mais cinq ans plus tard, ce qui reste de l'idée d'Ellis c'est surtout son aspect para-militaire et interventionniste. Ce qui tombe plutôt bien, puisqu'à l'origine The Invaders était une équipe opérant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais, et ceux qui suivent les aventures de n'importe quel super-héros le savent, malgré la débauche pyrotechnique et les destructions massives, un super-héros ne tue pas ses adversaires. Surtout chez Marvel™.
Toutefois, trois ans après le 11-septembre, et passé la sidération qu'a provoqué l'attentat, une certaine idée de l'intervention létale a fait son chemin.
« Once an Invader » s'intéresse au sujet, notamment au travers de deux figures, presque jumelles (sans mauvais jeu de mots), Captain America et US Agent.
Si l'un, US Agent, ne s’embarrasse ni des morts, ni des dommages collatéraux. L'autre, Captain America, au contraire ne cesse de répéter qu'on ne tue pas.
Ce dernier est le patriote par excellence.
Autrement dit quelqu'un qui désire que la nation soit à la hauteur des ses propres idéaux. Et qui nous demande de donner le meilleur de nous-mêmes. En donnant lui-même l'exemple, au travers de valeurs universelles, qu'il incarne. Littéralement.
US Agent est pour sa part, le nationaliste.
Celui pour qui tous les moyens sont bons pour faire valoir son idéologie, persuadé qu'elle est la meilleure. C'est en outre, un homme qui vit dans le ressentiment perpétuel.
Chuck Austen travaille ces deux personnages conceptuels, avec les nuances que lui impose la bande dessinée de super-héros. Son histoire s'inscrit en effet au sein d'un plus vaste ensemble, et au travers de personnages qui ne lui appartiennent pas. Et qui devront, coûte que coûte, être encore là le mois prochain. Puis le mois d'après. Encore, et encore.
Vous l'avez compris la marge de manœuvre est restreinte. Très restreinte.
La couverture ci-dessus, qui imite la célèbre affiche de James Montgomery Flagg, est très claire quant à ce qui nous attend : ce sera la guerre !
D'une manière générale cet arc narratif a énormément de potentiel, mais au résultat, les cibles ne sont que rarement atteintes.
Ça part déjà assez mal avec le recrutement d'un personnage, dont on se demande ce qu'il attendait pour se sortir seul, de là où il était.
Puis, si des questions intéressantes sont posés (l'ingérence, qui aider ?, pourquoi ?, etc.) la scénographie polémique obligatoire du genre, en gêne l'énoncé.
Les combats se succèdent, et les conséquences passe à l'as. Puisque n’oublions pas qu'aussi vindicatif que puisse être US Agent, il va avoir la responsabilité d'une équipe.
Dont l'une des missions est de vendre des mensuels.
Les planches de Scott Kolins, le dessinateur, ne font pas partie de ce que je retiendrai de positif de cet arc. Déjà au mieux de sa forme, Kolins est un virulent vaccin à la curiosité, mais ici il n'est pas au mieux de sa forme.
CP Smith, qui le remplacera sur le numéro de The New Invaders à la circonstance atténuante de débuter dans le métier. Il paraît même qu'il s'améliore au fil des numéros.
Mais là c'est très très faiblard.
En définitive, l'arc « Encore et toujours Invader » fait partie de ces (trop) nombreux rendez-vous raté que donne la BD de super-héros, lorsqu'elle oublie les limites qu'elle s'impose pourtant elle-même.
Néanmoins, hors la sacro-sainte Continuité™, qui oblige les différentes séries à des rapports incestueux, cet arc narratif aurait pu être remarquable. Par exemple sous le label MAX.
À condition d'investir également dans une meilleure équipe artistique.
En l'état, « Encore et toujours Invader » ne pourra qu'intéresser les lecteurs déjà convaincus.
Dommage !
___________
(1) Une idée que Philip K. Dick avait eu dès 1956 avec sa nouvelle intitulée Rapport minoritaire (The Minority Report). Et qui fera, plus tard, les beaux jours des capitaines d'industrie aux dents longues
toujours pas compris les qualités qu' on trouvait à scott kolins.........surement sa rapidité
RépondreSupprimerRapide, mais à quel prix !!
SupprimerC est vrai que ce crossover est moyen. Aprés la série New Invaders n'est pas parfaite.. mais elle a toujours des choses intéressantes et en effet, on voit progresser le scenariste et le dessinateur petit à petit à chaque numéro. Le coloriste aussi s'habitue au style de CP Smith..
RépondreSupprimerApres je trouve qu'Austen manque plus de subtilité par exemple que Jacobsen sur New Invaders.. et en général j'ai relu aussi cet arc pour relire new invaders et je trouve que Austen justement manque pas mal de subtilité dans son triangle Hank/Clint/Janet, son personnage de Captain Britain... Il a de bonnes idées mais c est toujours dans l'extrème, je trouve.